Le terrible incendie qui ravagea le phare d’Armen en décembre 1923 allait provoquer un bouleversement dans les affectations des gardiens de ce phare.
Probablement que cet évènement conditionna, pour toujours, la vie de Daniel Ropart et celle de sa famille. Suite à cet incendie, deux des gardiens démissionnèrent, traumatisés probablement par la douloureuse expérience qu’ils venaient de vivre et dont ils ne durent leur salut qu’à leur héroïque courage et sang froid. Ce jour là, l’Armen portait bien le qualificatif de phare de l’enfer des enfers.
Quant aux deux autres gardiens, tout aussi affectés par ce drame, l’administration, loin d’être hostile à leurs demandes de mutation, les encouragea.
Daniel n’était pas dans le phare au moment de l’incendie, mais de repos à l’île de Sein, au Grand Monarque, demeure des familles de gardiens.
C’est donc dans des conditions particulièrement difficiles qu’il se trouve dans l’obligation de quitter Sein, ses amis et sa région natale. Emportant dans ses bagages deux manuels d’arithmétique, restés au phare durant le sinistre et dont la noirceur des pages témoigne encore de la violence de l’incendie. Tels des talismans, se transmettant de génération en génération, ces ouvrages ont résisté à l’usure des voyages et du temps. S’ils me parlent parfois, trouverais-je, un jour, le temps de raconter leur histoire ?
Profitant d’une vacance de poste à Gravelines, près de Dunkerque il posera sa candidature pour le Nord. Mettant un terme à deux années et six mois de présence à Armen, il sera affecté au phare de Petit Fort Philippe en décembre 1924.
Poursuivant ma longue quête à remonter le temps, je décidais, un jour de juillet 2011, de partir sur les traces de ce phare du nord de la France, dont enfant, j’avais souvent entendu parler.
Les interminables plages de sables du nord de la France, comme ici celle de Berck, n’ont rien en commun avec la côte granitique du Finistère. Mais la présence de phares reste pour tous les marins du monde, le balisage indispensable à leurs navigations.
La plage est déserte, les cabines aux couleurs camaïeux semblent se serrer les coudes comme pour se mettre à l’abri des tempêtes.
C’est ici, sur les rivages de la mer du Nord exposés aux grands vents, que commencera donc la vraie histoire de ma petite gardienne de phare. Quelques années plus tard, un beau jour de mai 1927, dans ce phare de Gravelines, Yvette viendra au monde.
Patrie du corsaire Jean Bart, Dunkerque est à quelques encablures. Du haut du phare on y voit les côtes anglaises, le plat pays du Nord, les plages à perte de vue et les ballets incessants des navires de commerces.
C’est sous la coupole de cette lanterne magique qu’Yvette découvrira le monde. Univers peu banal pour celle qui, sa vie durant, gardera pour les gens du Nord une authentique proximité.
Mais les gardiens sont aussi de grands voyageurs et par le jeu des mutations autant que des aléas de la vie, Daniel se préparait à un autre déménagement, laissant à la postérité, sur les murs du hall d’entrée, le témoignage de son passage.
Ainsi, à peine venue au monde, Yvette, la petite gardienne de phare, s’apprêtait-elle à faire le premier grand voyage de sa vie, et quel voyage ! …. mais cela, c’est pour une prochaine histoire… (à suivre)
Article précédent : Balade de phare en phare (1)
Bonjour Paul,
C’est toujours un immense plaisir de te lire. Je suis passé à Gravelines il y a quelques années mais je ne savais pas alors que c’est là qu’était née Yvette, ta maman avec qui, depuis un lieu peu ordinaire dont tu nous parleras sans doute prochainement, j’ai eu une conversation téléphonique qui m’a profondément marqué.
Merci pour tout ça mon cher Paul, et à bientôt
Bien amicalement
Louis
Merci mon cher Louis. Que de souvenirs en effet. Des beaux moments de complicité simple, inoubliables et poétiques. Bien à toi. Paul