Brest (4)- Fin d’un mythe ?

Une page maritime Brestoise, se tourne assurément avec le départ de la Jeanne d’Arc pour son ultime voyage funéraire ainsi que les premiers travaux de restructuration du plateau des Capucins.
Ces deux symboles sonnent-ils  le glas d’un passé industriel riche en inventivités, en rayonnement économique et culturel ?
Cette page maritime est probablement aussi importante pour la ville de Brest que ne furent en leurs temps la disparition du bagne, la déconstruction de la Grande Grue, symboles forts de l’identité locale.

Penfeld-Capucins-Oct-14

Bientôt cet ensemble d’ateliers va se métamorphoser …

Dans une ou deux générations, le plateau des Capucins ne représentera pour les jeunes brestois, qu’un lieu de Culture, une belle médiathèque à laquelle s’ajouteront restaurants, espaces de loisirs et autres temples commerciaux, dévolus à la consommation et à la distraction.
Pourtant, je voudrais, avant que cette page ne soit totalement oubliée, évoquer à travers ces quelques photographies, la mémoire ouvrière de l’arsenal de Brest et les prodigieuses réalisations technologiques qui sortirent de ses ateliers.

J’étais jeune adolescent dans les années 1960, lorsque, élève au Lycée Technique de Brest, je pus visiter avec mon professeur de mécanique ces ateliers impressionnants.
Il y régnait une atmosphère grandiose, loin de celle de l’atelier de mobylettes qui se trouvait alors au pied de l’immeuble que j’habitais, rue de Lyon, au centre ville.
Ici les machines outils étaient d’une taille colossale, dimensions inimaginables pour un public non averti. Il y régnait une atmosphère de labeur, de haute technicité, loin des clichés ironiques que certains, mal informés, me véhiculaient parfois sur “l’ouvrier de l’arsenal”.
Cette visite m’apprenait déjà  que la vie professionnelle technique à laquelle mon avenir était promis, s’annonçait riche et passionnante d’expériences techniques mais aussi fragile car constamment soumise à de sérieuses remises à niveaux. Les techniques de production et la technologie progressent à si grands pas qu’il est nécessaire désormais, pour survivre, de toujours être en capacité d’apprendre et de se former.
Cette visite en sera, à l’évidence, une belle prise de conscience.

Quelques années plus tard, mes études de mécaniques à peine achevées, je devenais acteur de cette vague de bouleversements industriels qui annonçaient déjà à travers l’industrie de la sidérurgie et de ses dérivés. Le chômage et la précarité.  Nous étions dans les années 1970, les  plans sociaux s’appelaient déjà : Sacilor, Peugeot, Berliet, Manufrance, Lip … Hé oui, le chômage n’est pas qu’une invention du XXIè siècle.
Pour Brest il faudra attendre les années 2000 pour que cette vague de restructurations voit se dessiner ses douloureux effets. Les ateliers du plateau des Capucins sont donc à ce titre les derniers témoins brestois de cette permanente mutation industrielle.

Plateau-Capucins

Dernières images d’une riche vie industrielle.

Capucins-atelier

Salles des machines désertées.

Capucins-Atelier-b

Abandon avant l’oubli.

Capucins-reflets

Regard nostalgique, d’un reflet encore poétique.

Engrenages

Engrenage immobile d’une horloge arrêtée, vestige d’une mécanique pourtant si bien huilée.

Four

Bientôt des fours à pizza ou micro-ondes de « fast food », prendront la place de ces montres dont on à peine à imaginer les températures qui étaient nécessaires aux cémentations et autres traitements thermiques les plus sophistiqués.

Tour-25m

Tour avec son banc de 25 mètres.

Sur ce tour à métaux, les plus grandes pièces cylindriques furent usinées, telles des arbres d’hélices et autres rectifications précises.

Geste

Pour le plaisir de voir encore une dernière fois la main de l’homme en action.

Machine-outils

Ici la machine outil s’écrit avec un grand M

Nature
Quand la nature reprend ses droits.
L’immensité des espaces, vides de machines et d’hommes confère au site, laissé en jachère, un goût étrange d’abandon.
Il est loin le regard d’adolescent que je portais sur les mains noueuses et noircies, de ces ouvriers émérites.
Le silence des lieux, cette absence d’odeurs d’huiles de coupe ont quelque chose d’étrange à ceux qui gardent le souvenir de la belle ouvrage.

 

Depart-Jeanne

Ne m’appelez plus « Jeanne d’Arc » »

Les oiseaux se cachent pour mourir, parait-il.
Dans le monde de la construction navale militaire, lorsqu’un navire part à la ferraille, on le débaptise …
Pour son dernier voyage la « Jeanne » deviendra donc la coque Q860.
C’est toujours mieux que de finir sur un bûcher, qu’en pensez-vous ?

A une autre époque, le Richelieu, construit également à l’ Arsenal de Brest, partagea avec la Jeanne d’Arc ce mythe des bâtiments d’exception.
Pour en savoir un peu plus cliquer ici.