Le grand lazaret (3)

Né au siècle des lumières, d’origines modestes, j’ai fait d’Hippocrate le serment de ma vie. J’ai combattu de toutes mes forces les grandes pandémies que le monde a toujours connues, peste et choléra, grippes, varioles et tant de pneumonies. J’ai vécu aussi des quarantaines, et de mes impuissances j’en ai payé le prix. Offrant parfois ma vie pour sauver celles des autres, je ne connus jamais de répit. Au fil des ans, j’ai eu tour à tour pour amis, Larrey, Calmette ou Broussais, Segalen, Broquet ou Mesny, parfois des hommes de lettres, toujours des hommes d’esprit. Tantôt chirurgien, naturaliste, généraliste ou apothicaire, si je porte aujourd’hui à mon bras autant de rubans dorés, c’est à eux que je les dois car nous étions de la même famille.
Peu de gens me connaissent ou se rappellent de moi et c’est sans grande importance. Pourtant j’ai existé jadis pour avoir souvent travaillé dans ce minuscule lazaret de la grande rade de Brest où, revenant de contrées lointaines, les marins se trouvaient pour un temps confinés.

Ile de Trébéron en rade de Brest qui servit de lazaret de 1689 à 1915

Guo Ba Tsin n’est pas mon vrai nom. Il me fut attribué il y a bien longtemps par quelques amis carabins facétieux, revenant de leur campagnes de Chines ou d’Asie. Car j’ai eu plusieurs vies, sillonnant les mers du globe et parcourant le monde, des sommets enneigés, aux abysses profonds, des plaines d’Asie aux déserts d’Afrique. Soignant et apportant soutien à l’humanité entière, mon crédo resta avant tout la vie, pas la couleur des hommes ni leurs querelles passagères. Je suis un soignant des mers, fier de mes oripeaux.
Si j’ai traversé le temps, essuyé ô combien d’averses, des tempêtes guerrières aux catastrophes sans nom, j’avais aussi l’esprit festif et mon comportement rebelle, jugé parfois excessif par mes pairs, me valut aussi d’être mis au rebut et réprimandé.

On disait de moi que je n’étais qu’un cancre, un bon à rien, peut-être tout juste capable à devenir jardinier. Pourtant c’est de ces plantes dont je prenais grand soin, que la médecine tira les plus belles de ses pharmacopées. Quand sonna pour moi l’heure de la retraite je partis très loin en exil. C’était au milieu du siècle dernier, autant que ma pauvre mémoire s’en souvienne. Je n’étais plus le cancre de mes débuts d’études mais bien le plus méritant que mes confrères vénéraient. Une fois par an, en costume d’apparat, dans les rues de ma belle ville de Brest je distribuais à qui voulait les entendre, mes conseils de joie de vivre et de bonne santé.
Aujourd’hui, c’est au fond d’une vitrine que je suis confiné. Si de ma prison dorée montent à présent des effluves, elles sont de naphtaline et pas de chloroquine.

Bientôt c’est Noël et la nouvelle année, l’heure des contes avant celles des comptes.
Alors rêvons. Dans les arbres des villes du monde s’élèvent, comme les incantations mystiques de quelques jeux d’esprits éclairés, les espoirs de temps meilleurs et pour la planète, les vœux d’une santé retrouvée.

Le “Corona nouveau” n’a qu’a bien se tenir car Guo Ba Tsin vous révèlera, par le simple jeu de l’anagramme, sa vraie identité et la clé de sa longévité.

Avez-vous trouvé qui se cache derrière le nom Chinois de ce mandarin Brestois ?
Donnez-moi votre réponse, et je vous offrirai en retour, le vaccin contre la morosité.