Un arrêt à Briare, c’est le calme assuré.
Le lendemain, la fraicheur matinale est tonique. Tout ce qu’il faut pour bien démarrer une journée. Ce soir nous ne savons pas encore où nous poserons nos valises. “Carpe diem”, le voyage continue. Dans le ciel, un vol de canards semble nous indiquer la trajectoire à suivre. Nous ferons comme eux, cap au sud.
Peu de monde à cette heure. Nous croisons cependant un belge, manifestement enclin à nouer quelques dialogues. L’homme, très en verve, se présentant comme observateur d’oiseaux, nous entraine rapidement sur des thèmes très éloignés de la faune et la flore locale. Il est des lieux paisibles qui ne semblent hélas pas avoir d’influence sur les turbulences de l’esprit. Une balade sur le pont canal, long de 660m, permet de contempler un paysage tranquille qui vit au rythme lent des glissements de péniches.
Le pont canal, qui date de l’époque de Gustave Eiffel, est probablement l’une des infrastructures métalliques uniques en son genre dans le monde.
Sept écluses et quatorze ponts découpent le paysage en autant de fragments propices à la promenade. Cet ouvrage, réalisé en 1874, permet d’enjamber la Loire en toute sécurité.
Ayant fait le plein de repos, nous continuons notre route en longeant la Loire sur sa rive gauche jusqu’à Bonny-sur-Loire puis en direction de Neuvy-sur-Loire avant d’arriver à Cosne-sur-Loire où nous nous arrêterons un instant pour pique-niquer dans petit jardin public ombragé, situé derrière l’ancien tribunal. Nous sommes dans la Nièvre.
On ne peut manquer de remarquer le cinéma Eden, édifice Art Déco datant des années 1929. La route mythique est parsemée de ces architectures, florilèges d’entre deux guerres.
Après le déjeuner nous reprenons la route vers Pouilly-sur-Loire avant d’arriver à la station essence symbolisant les 200 bornes parcourues depuis Paris. L’auberge attenante, que plus personne ne fréquente désormais, a perdu son lustre d’antan.
Le lieu est désert, pas totalement abandonné, mais bien délaissé.
Le temps semble s’être figé. La pompe à essence affiche encore ses tarifs en anciens francs, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. La pompe de droite rappelle certainement des bons souvenirs aux amateurs de Solex et autres engins poussifs nécessitant des carburants mélangés à de l’huile. Attention au « serrage » des pistons. Elles sont rares les stations services entretenues. La plus part du temps elles ont été transformées en commerces ou Pizzeria, parfois aussi recyclées en habitations.
On imagine aussi ces espaces, rescapés de l’usure du temps, comme autant de scènes propices à des prises de vues cinématographiques. « On the road » avec Jack Kerouac ou bien encore les mythiques scènes de Bagdad Café sur la 66.
Nous venons de parcourir 200 km, il en reste encore au moins 800 aussi nous poursuivons notre lente progression sur la N7 en direction de La Charité-sur-Loire. Il fait toujours aussi chaud, comme dans les plaines de Californie. La route silencieuse et déserte semble n’avoir été ouverte que pour nous. J’en profite pour écouter quelques musiques de blues. C’est un bon moyen pour rouler à un rythme lent et ne pas être tenté par l’excès de vitesse. Nous sommes encore loin de St Tropez et si chaque platane n’abrite pas un gendarme, il peut y cacher un radar, perverse invention des temps modernes pour gâcher au rêveur le plaisir de la contemplation.
La N7, route des palimpsestes
En empruntant la nationale 7, j’étais aussi venu à la rencontre de cette forme artistique que je considère être, à l’image des peintures rupestres, le témoignage de la présence humaine du début du vingtième siècle. Selon la définition du Petit Larousse, les palimpsestes sont des manuscrits sur parchemin dont la première écriture a été lavée ou grattée et sur lequel un nouveau texte a été écrit.
A l’image de cette définition, l’homme a coloré au fil du temps les façades des maisons par des fresques géantes que l’on appelait jadis réclames. J’ai eu l’occasion d’évoquer leurs présences lors de précédents billets.
La N7 est encore en mesure de nous en livrer quelques témoignages. Pour combien de temps, je l’ignore, tant homo-erectus est pressé d’effacer les traces de son passé.
Nationale 7, la Route Bleue
Evocatrice de route des vacances, donc pour le parisien synonyme de méditerranée, plus on descend vers le sud et plus la N7 dévoile ses secrets. La voiture restant le symbole fort, les images associées s’imposent comme des évidences.
Mais la Nationale 7 traversait aussi de nombreux villages, comme ici à Bonny sur Loire.
La densité de la circulation et l’étroitesse des rues laissent imaginer les difficultés de circulation que devaient rencontrer les automobilistes avec des véhicules en surchauffe, des lourdes caravanes tractées et des voitures peu maniables, sans direction assistée.
Dans d’autres lieux traversés, l’Hôtel essaie de faire bonne figure, mais il n’y a plus de gare depuis longtemps.
Mesves-sur-Loire, ici les murs ont la parole.
Armor Lux est présent. Le breton de passage peut-être satisfait de voir les produits de sa région salués au Paradis terrestre. Mais si les images, parlent souvent d’elles mêmes, les mots ont aussi leurs pouvoirs poétiques.
Nous ferons à Mesves-sur Loire une bonne halte, le temps d’une petite méditation récréative. Les murs des maisons sont tapissés de phrases ou de dessins offerts à la curiosité du passant, si tenté qu’il soit prêt à les recevoir. Je vous en livre quelques échantillons.
Nous nous apprêtons à quitter la Bourgogne et ses crus de vins mondialement connus et appréciés, les Sancerre, Pouilly et autres nectars rouges, blancs ou rosés. Nous approchons de Nevers et, près de Magny-Cours, une station service hors du temps rappelle une fois encore que la voiture est reine au pays des courses automobiles. Une dernière image pur jus garanti des années 1950 et déjà se profilent l’Auvergne, le Massif Central et Moulins, terme de notre journée bien remplie de soleil et d’images.
300 kilomètres se sont écoulés depuis Paris,
à très bientôt, pour la suite du voyage.