Il y a dans toute approche artistique une recherche de graal, une recherche d’émotion, ces sensations fortes qui donnent du sens à la vie. Que l’on soit attiré par la peinture, la littérature, l’écriture, la musique, les arts de la mains, chacun recherche par le geste, la réflexion, voire par la transcendance, ce bonheur simple, intense et inexplicable de faire et de mettre en harmonie son corps et son esprit dans une dynamique qui nous dépasse.
En m’intéressant à Laënnec et à son invention, en étudiant son parcours, je comprenais combien dans une vie active, l’homme passe parfois à côté de ses rêves et combien aussi il est important de ne pas attendre qu’il soit trop tard pour les réaliser. Je reste persuadé qu’il était important pour Laënnec, l’inventeur du stéthoscope, instrument qui a révolutionné le monde médical, de réaliser lui-même, l’objet de ses trouvailles.
Il devenait même urgent qu’il le fasse puisque son invention commençait à être copiée à travers le monde et qu’il devait s’éteindre la même année où fut réalisé ce deuxième modèle de stéthoscope, celui à tenon lisse, dont j’ai précisé dans un précédent billet, qu’il était plus facile à confectionner.
Ce plaisir, il le dut probablement à son ami ébéniste Jean Marie Lubin Villard (1797/1848) dont j’ai découvert, lors d’une exposition de photographies à Douarnenez, qu’il prêta sa main experte à Laënnec pour la réalisation de ses premiers instruments et peut-être aussi lui enseigna-t-il les bons gestes pour qu’à son tour il puisse confectionner lui-même son invention. Jean Marie Lubin Villard a laissé à la ville de Douarnenez une longue descendance de peintres et de photographes illustres, ce qui pourrait faire l’objet de futurs billets. C’est cette belle histoire de fraternité et de transmission entre les hommes de grands savoirs et ces artisans aux mains d’or que je voulais saluer ici au passage. Lorsque l’on parle de bois et d’ébénisterie avec des médecins, surtout lorsque celui-ci est chirurgien et à sa façon un manuel, j’ai souvent lu dans leurs regards, ce désir d’évasion que représente le travail du bois. Peut-être que ce qui réunit l’ébéniste et le médecin c’est simplement la vie, car le bois n’est pas une matière inerte, même mort il reste si étrangement vivant.
L’intelligence de la main se mariant avec celle de l’esprit, je reste convaincu que si Villard réalisa le prototype et les premiers stéthoscopes de Laënnec dès 1818, il initia ce dernier à la réalisation du second modèle de 1826, lui apportant, avant qu’il ne meurt la même année, la reconnaissance suprême, celle de l’amitié par la transmission et le partage. Ce bel acte de collaboration accompli, il accompagnera probablement le brillant médecin vers la paix pour l’éternité.
Il y a aussi dans le voyage intérieur d’une rencontre ce bonheur de pouvoir sortir des sentiers battus et rebattus de la création.
Ma « rencontre » avec Laënnec m’aura donné l’occasion d’une introspection expérimentale et le plaisir de faire autre chose avec mon tour à bois que des toupies pour enfants, des coupes à fruits ou des stylos à offrir.
En réalisant ces 2 exemplaires du stéthoscopes de Laënnec, cela m’a permis d’explorer d’autres pistes de la création. En m’intéressant à ce médecin j’ai pu aussi faire de belles rencontres qu’il serait trop long à raconter dans ces modestes chroniques mais j’ai également pu ouvrir mon esprit à d’autres projets et écrire de nouvelles histoires …
Si vous vous baladez sur ce chemin de la voie verte qui borde la propriété de Kerlouarnec en Ploaré, où habita Laënnec, votre regard sur les arbres sera probablement différent, vous y croiserez peut-être, comme je l’ai fait, un poète à vélo.
S’il lit cette chronique, c’est certain, il se reconnaîtra.