On the road to Essaouira (5)

Un petit air de plaine désertique américaine au menu de ce jour pour une balade vers une destination très prisée des hippies dans les années 60, Essaouira.
Le meilleur moyen pour s’y rendre est sans doute proposé par la société de cars Supratours de Marrakech, dont la gare routière est située Avenue Hassan II, à deux pas du théâtre Royal.

Théâtre Royal de Marrakech à deux pas de la gare Supratours

Réputée pour sa ponctualité et la qualité de ses prestations, c’est assurément une belle excursion de moins de 3 heures à ne pas manquer pour un prix qui reste raisonnable (25€) au regard de ceux proposés par les hôtels.

Paysage désertique parsemé d’habitations caractéristiques des régions du Maghreb, la route qui mène à la côte atlantique, parfois monotone, nous révèle aussi quelques paysages verdoyants qui nous rappellent que le Maroc est aussi une terre de production agricole.

Positionnée sur la façade atlantique, cette ville fortifiée est devenue un havre de paix pour artistes peintres, écrivains ou musiciens occidentaux dont beaucoup y ont élu domicile. Soumis aux vents océaniques, et bénéficiant d’une température constante de 25 °C toute l’année, c’est le paradis des surfeurs et autres pratiquants de sports de glisse.

Autrefois appelée Mogador par les marins portugais de passage, la cité portuaire était jadis un lieu important d’échanges commerciaux, devenant de ce fait un carrefour ouvert aux cultures du monde. Une des plus grandes colonies juives resta présente jusqu’aux années 1970.
L’activité maritime d’Essaouira est désormais concentrée sur la pêche. Le marché aux poissons et le foisonnement des chalutiers ne peuvent laisser indifférent l’amateur de photographies. Un vrai théâtre à ciel ouvert où les chats sont Rois.

Sur le plan artisanal, Essaouira se démarque aussi des autres cités par la présence de deux activités spécifiques à la région. L’une, conditionnée par la production d’huile d’argan, l’autre, par celle des racines de thuyas.

L’huile d’argan est en effet extraite des noyaux du fruit d’un petit arbre ressemblant à l’olivier. Appelé arbre à chèvres, l’arganier, espèce endémique de cette région, offre au voyageur un spectacle pour le moins insolite. Accrochées aux branches, en équilibre précaire, des dizaines de chèvres sont occupées à déglutir les fruits. Dans une belle complicité productive, les déjections animales restitueront les noyaux, qui une fois cassés pour en récupérer les amandes, produiront la précieuse huile d’argan.

Les souks d’Essaouira regorgent aussi d’échoppes où il est possible de trouver une multitude d’objets en bois, confectionnés à partir des racines de thuya, une variété de cèdre.


Considéré comme une essence de luxe, hélas surexploitée, ce bois dur, extrait d’un conifère présent uniquement au Maroc dans les régions d’Essaouira et de l’Atlas, est prisé des ébénistes pour sa loupe caractéristique.

Racine de thuya (variété de cèdre)
50cm de hauteur

Bois dur, aux couleurs rouges pigmentées de taches marrons, il se prête très bien à la marqueterie et au tournage, car son veinage, après polissage, permet d’obtenir une finition exceptionnelle comme l’atteste cet échantillon de thuya rapporté d’Essaouira il y a quelques années et dans lequel fut réalisé ce stylo.

Et à bientôt pour de nouvelles aventures …

C’est une maison bleue (4)

Impossible de passer à Marrakech sans visiter les jardins de la villa bleue où vécut le peintre Jacques Majorelle dès 1924. Fils du célèbre ébéniste-décorateur Louis Majorelle de l’école de Nancy, à la période Art Nouveau, l’artiste peintre laissera ici son empreinte par la couleur bleu-outremer inspirée de la culture berbère dont le symbole restera associé au lieu.

Ce riad et les jardins, seront rachetés par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en 1980. L’ancienne demeure abritant désormais le Musée Pierre Bergé, consacré aux arts berbères. Quant aux jardins ils restent, en partie, accessibles au public.

Discrètement indiqué dans les guides touristiques des années 2000, ce riad, qui se trouve dans un quartier un peu en retrait des centres touristiques, était à l’époque assez mal signalé.
Le droit d’entrée était raisonnable (4 euros en 2001) et l’on pouvait flâner dans les jardins en totale liberté. Ce havre de paix s’est aujourd’hui bien transformé et la poésie des lieux quelque peu émoussée. Le quartier s’est désormais métamorphosé en lieu branché pour apprenties influenceuses, connectées à Tik Tok et dotées de la dernière génération d’I-phone.

Après une longue file d’attente pour l’achat de billets, le visiteur devra encore beaucoup patienter car l’accès au jardin est régulé par petits groupes. La priorité étant donnée à ceux qui sont munis d’un coupe-file, précieux sésame que l’on pourra cependant se procurer sous réserve de passer par le Musée Yves Saint Laurent situé à quelques dizaines de mètres de l’entrée du jardin. Subtil commerce, car pour un droit d’entrée combiné de 220 dirham (22 euros) le visiteur aura accès au Musée YSL, passage obligé de la tranquillité, puis pourra accéder aux jardins et enfin visiter le Musée Pierre Bergé.

Si ces trois endroits sont incontestablement dignes d’intérêts, la visite des jardins, à la végétation abondante et variée n’a plus la quiétude d’antan. Un petit air de magasin Ikéa plane sur cette visite savamment orchestrée et canalisée par des gardiens aimables qui vous remettent dans le droit chemin, au moindre écart de trajectoire. Difficile donc de revenir sur ses pas où de faire un pas de côté pour prendre une photo originale sans avoir dans le collimateur une naïade en mal de mannequinat posant de longues minutes devant un bassin de nénuphars ou un « coussin de belle-mère ». Les abords de la villa sont encore plus convoités. A n’en pas douter c’est l’objectif des hordes de touristes asiatiques, qui GPS en main, ne prennent pas le temps de s’intéresser à la beauté des plantations du jardin. Le but étant d’atteindre au plus vite « The place to be » où chaque membre de la tribu posera pour l’immortalité devant la porte du Temple du célèbre créateur de mode ou le discret endroit de mémoire des deux célébrités.

Cénotaphe d’Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé

Beaucoup de patience donc pour pouvoir photographier paisiblement fontaines et éléments architecturaux sans présence humaine.

Dans cette douceur hivernale à plus de 20°C, prendre son temps, égoïstement, en écoutant et contemplant la nature indifférente aux injonctions humaines, la visite deviendra vite une déambulation poétique, un voyage hors du temps.

Ici les couleurs vives se mélangent aux parfums des plantes, et les chants des oiseaux, entrecoupés par la lointaine litanie du muezzin de la Koutoubia, sont autant d’invitations à la contemplation, à la méditation. Alors carpe diem !

Minaret de la Koutoubia, aussi haute que Notre-Dame de Paris. Point de repère de la médina.

Suite et fin dans le prochain billet …

« Soir de Marrakech » (3)

Du « Jardin secret » au « Musée du parfum », il n’y a qu’un pas qu’il est agréable de franchir.
Ici ce sont les sens olfactifs qui seront mis en éveil. Mais à l’inverse du quartier des tanneurs, les fragrances orientales préparent le visiteur à un bien agréable voyage.

La visite commence au premier étage d’un riad discret du nord de la médina.

Passant d’une alcôve à une autre, le visiteur est invité à reconnaître les 7 parfums du Maroc, senteurs d’épices, d’encens et d’essences aromatiques répondant aux doux noms de jasmin, rose, fleur d’oranger, menthe, cannelle ou patchouli. Suspendus dans des encensoirs savamment disposés, de subtiles odeurs s’y échappent, attisant la curiosité autant que l’addiction à vouloir en sentir encore d’autres.

Passé ce voyage initiatique, le rez-de-chaussée propose à présent au visiteur d’exercer ses talents de « nez » en passant par le « bar à parfums » où, accompagné d’une charmante hôtesse chacun pourra découvrir les subtilités cachées des extraits naturels de bases qui servent à la composition des plus grands parfums aujourd’hui commercialisés.

Avant de s’évaporer dans la nature, avec un regret non dissimulé de ne pouvoir emporter avec soi les arômes éphémères, une petite visite s’impose dans le petit boudoir en forme d’alcôve dont seul l’orient a le secret.

On y trouve exposée une collection de parfums célèbres produits par les plus grands parfumeurs du monde dont le «Soir de Marrakech » d’Abderrazzak Benchaâbane qui collabora un temps avec Yves Saint-Laurent et pour qui il créa le parfum «Jardin de Majorelle ».

Une bonne introduction pour nous rendre à présent, un peu plus à l’est, dans la fameuse Villa Bleue, mais cela, ce sera dans le prochain billet …