Le Bateau Ivre (3)

Faisant écho au poème d‘Arthur Rimbaud, la présence du trois mâts russe Shtandart au mouillage devant le port Tudy de Groix, me ramène à l’image du petit bistrot du village de Locmaria, que j’avais jadis visité, à deux pas des vestiges de la tombe Viking de Groix.

Symbole des conquêtes guerrières, comme aux temps des vikings, cette réplique d’une frégate russe du XVIII siècle est aujourd’hui mise au ban des nations européennes depuis le conflit russo-ukrainien.
Naviguant de port en port, sans pouvoir accoster, sa présence ici symbolise l’errance du voyage et la liberté que la mer apporte aux hommes et aux poètes assoiffés de conquêtes ou d’horizons lointains.

Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes,

Et je restais ainsi qu’une femme à genoux,

Presque île, ballottant sur mes bords les querelles
Et fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !

Notre présence dans les mêmes eaux nous permettra de nous approcher du navire emblématique, battant à présent pavillon des îles Cook, et d’en admirer les superstructures en souffrance, aux accastillages vieillissants.

Qui voit Groix voit sa joie, parait-il. Puisse cette proximité maritime, sur la route de l’Amitié, à défaut de réunir les hommes, leur permette un instant de vivre quelques instants de poésie.

Tête à tête avec le Cap Sizun

A chacun son chemin …

(la suite du voyage dans un prochain billet)

Loctudy-Groix (2)

L’arrivée à Loctudy se fera discrète. Compte tenu de l’absence de vent portant nous arriverons tardivement à destination et rejoindrons notre emplacement dans le port de pêche, face à l’île Tudy.

Tout comme nos amis du « Skellig » et de « Marche-Avec » nos points d’amarrage seront éloignés de ceux des autres participants. Par voie de conséquences, nous serons contraints à de longs déplacements pour atteindre douches et sanitaires.

Face à l’île Tudy

Au petit matin, Joël vient à notre rencontre et embarquera avec nous quelques jours, apportant pain frais et croissants, ce premier petit déjeuner sera simplement royal.

Matin du 5 août, avant départ pour les Glénans. Le jour se lève.

De nouveaux adhérents se joignent à nous pour une balade nautique en direction des Glénans. La balade vers les Glénans sera tout simplement féerique. Accompagnés du ballet des dauphins, l’archipel polynésien breton s’offre à nos regards, nous faisant oublier quelques instants l’absence de vent.

Le lendemain c’est le départ pour l’île de Groix. A nouveau peu de vent, pour ne pas dire aucun. Nous serons contraints de naviguer au moteur une bonne partie de la journée. En passant près de l’ile aux Moutons j’ai une petite pensée pour le couple de gardiens de phare Quéméré qui, en venant s’y installer en 1905, avaient cédé leur place de la maison phare de Tévennec à quelques uns de mes ancêtres. Tévennec s’invite donc à mes pensées et à cette nuit tragique d’octobre 1908, durant laquelle un de mes aïeux perdit la vie, victime d’une lame scélérate.
La mer réunit aussi les hommes par leurs souvenirs.

L’Île aux Moutons où vécut la famille Quéméré et ses 14 enfants.

Mais laissons de côté ces songes de nuit d’été et revenons à cette mer dont les dauphins ont fait leur terrain de jeu. Déjà Groix est en vue et de nouvelles rencontres nous attendent.


Lente progression silencieuse jusqu’à l’entrée de port Tudy dont le savant planning des organisateurs devait permettre à chaque équipage de trouver sa place. La manœuvre d’accostage est délicate compte tenu de la taille du bateau et des contraintes d’accès aux pontons. Aidés par quelques âmes charitables nous arriverons cependant à sécuriser la manœuvre.

Port Tudy, île de Groix

Ces quelques moments de tension seront vite passés cependant, lorsque les membres de l’Association An Distro de Groix nous inviteront à les suivre pour un pot d’amitié.

Entre passionnés de vieilles coques, nous aurons quelques moments de complicités pour échanger de courts instants sur l’intérêt commun qui nous réunit, celui de faire vivre les vieux gréements…

(suite du voyage)