Simple hommage à ceux qui par la faim et la misère sont déjà dans la fin du monde.
(Texte inspiré par la « Chanson des sardinières » de Jacques Prévert.)
Ritournelle d’un monde sans fin
Comme lui mon gars, oui des grèves j’en ai fait.
Jamais pour le plaisir mais toujours pour manger.
Salaire de misère, mille métiers, mille galères,
Courbant souvent le dos, il apprit à se taire,
Sans lendemain toujours fut sa vie de précaire.
Mais jamais à genoux, il n’était pas vicaire.
Il me parlait souvent de 36 et de sa guerre.
De ses combats sociaux et de ses bras de fer.
Travailler, travailler çà il savait le faire.
Et de ses mains meurtries, il en était si fier.
Tu seras marin mon fils, aimait-il à me dire,
Au moins c’est un métier tourné vers l’avenir
Mais sans jamais te plaindre ni encore moins gémir,
Les mains sales tu auras, sans jamais en rougir.
Car les basses besognes, les coups tordus et bas,
Ne seront jamais les armes de tes nobles combats.
Ouvrier émérite au salaire mérité,
Ce que tu as conquis tu ne l’as pas hérité,
Manuel, manuel tu avais aussi un front,
Qui savait rester digne, face à un patron.
Les cordons de la bourse étaient tenus par la mère,
Et les économies pour les jours de galère.
Mais quand venait le dimanche, en cravate, les mains propres,
La bourgeoise à son bras, il narguait les patrons.
Là au moins aujourd’hui, ils ne me prennent plus pour un con
Me prêchait-il souvent du haut de son balcon.
Puis la fièvre monta et il changea de ton.
C’est la lutte finale, tout le monde sur le pont.
Le Biafra, le Vietnam, les enfants du napalm,
Le monde ensanglanté les pauvres sur la paille.
Qui s’en souvient encore aujourd’hui,
De la guerre des six jours, de Brest sous la pluie,
Des noirs d’Amérique, aux révoltes héroïques,
De ce si beau mois de Mai et de ses coups de triques.
Des combats du silence, et de la dissidence
La page est bien tournée que vive l’opulence.
Nos jeunes seront heureux, on travaillera pour eux.
On aura des vacances, encore des vacances,
Des robots voyageurs pour décrocher la lune
Des chemises à fleurs en guise de costume,
La télé en couleurs et plein d’électronique,
Ordinateurs pervers pour nous foutre la nique.
Politique, politique, tout est si poli, si lisse, sans éthique
Y’a qu’à voter pour ceux qui ont l’esprit logique.
A tous ces ânes bourrés de tant de mathématique,
Y’a qu’à filer nos sous, ils feront plus de fric.
Si petit à petit l’oiseau fait son nid,
Petit à petit grossit son appétit.
Classe ouvrière, laborieuse, travailleuse
Tu as peu à peu cédé ta place, à la classe mafieuse.
Paradis financiers, à la pensée unique.
Toujours dans le même esprit, rester apolitique.
Pour notre bien, bien sûr mais pour la génétique,
On mettra même en fiche le nourrisson critique.
Les petits turbulents fantasmagoriques,
Qui ne demandent qu’à vivre, faudrait-il qu’on les pique ?
Car dans le ventre fécond de la mère chômeuse
Sans emploi, sans futur, déjà si malheureuse,
L’embryon contagieux est peut-être maléfique.
On n’ va quand même pas s’ laisser piquer tout notre fric.
Les damnés de la terre en ont assez donné
Condamnés par tant d’errance, sans parachute doré.
Eux qui ne demandent pourtant, qu’à vivre et qu’à bosser.
Risquent encore un jour de vouloir tout cabosser. PaulK