Tévennec, Enfer ou "New Paradise" ?

Longtemps mes récits d’enfance furent bâtis sur des imaginaires inspirés par les phares.
Pt-Raz-Panneau-bIl est vrai qu’avec une mère née elle même dans un phare, ce qui est peu banal, et qui fit ses premiers pas sur une île déserte en baie de Morlaix, ce qui est encore moins banal, nos aïeux géniteurs, gardiens de phares de surcroît, ne pouvaient que nous transmettre de leurs gênes, leurs esprits ancestraux.

Cette attirance irraisonnée pour les feux de mers, avec leurs lots de souffrances cachées, de non dits pudiquement exprimés est pourtant si présente encore aujourd’hui que j’ai décidé de vous faire partager dans mes prochains articles, quelques réflexions intimes.

Pt-Raz-b

De ces valeureux artisans du patrimoine maritime breton, il ne reste que quelques archives et une dame maintenant âgée pour nous transmettre et combler leurs absences. Les hommes eux, du haut de leurs citadelles lumineuses, montant toujours plus haut vers l’inaccessible étoile, sont depuis bien longtemps livrés aux entrailles de la terre ou aux tourments des flots.

Seul-et-heureux-bIl y a quelques jours à peine, avec mon frère Yvon, ornithologue devant l’éternel et complice du moment, nous arpentions un jour de tempête, les contreforts de la Pointe du Raz. Comme pour pouvoir être encore un peu plus près de ces lanternes magiques à défaut de ne pouvoir toucher les âmes qui les hantent.
« Attention à ne pas mettre ton pied dans rien ! » me dit-il en souriant, me montrant le bord de la falaise. Plus bas c’est l’enfer.
Tout près, la Vieille, Tévennec. Au fond, fantomatique dans la brume, Sein, Armen et son indéfectible cortège d’images de cailloux, images sans cesse renouvelées depuis notre enfance et dont notre soif de photos n’arrive pas encore à s’abreuver.

Mais si je prends ce matin la plume pour écrire, c’est qu’un article de presse a provoqué chez moi ce désir de parler. Libération de blessures posthumes, peut-être, de secrets jalousement gardés sûrement, tant je me sens investi ce matin de ces paroles de noyés et d’êtres chers, disparus.

En voyant paraître, dans un article récent de magazine, le nom de Ropart, j’avais un arrière goût d’amertume. Une impression étrange que l’on profanait quelques secrets familiaux dont il est vrai tant de romans s’étaient déjà
nourris par le passé.

Tevennec-b2

Photo prise au 300mm x1,4

Cet îlot mystérieux a été l’objet de tant de fantasmes, d’histoires improbables, de croyances religieuses, de curiosité, d’intérêts parfois mercantiles, qu’à chaque fois que les mots Tévennec ou Armen sont prononcés ou écrits, mes oreilles se dressent, mes pupilles se dilatent.

L’Enfer serait-il aujourd’hui en voie d’être promu Paradis. Paradis pour artistes cherchant l’inspiration, une terre d’Eden en Baie des Trépassés ? L’article me questionne.

 Tevennec-b1Grâce à cette technique de digiscopie, utilisée par les chasseurs d’images d’oiseaux, j’ai presque pu toucher du doigt la nouvelle croix posée.

Digiscopie-b

Depuis mon adolescence j’ai toujours eu le désir et cette envie d’en apprendre un peu plus sur la vie de ces gardiens de feux dont bon nombre de mes parents firent le difficile métier.
Lorsque l’on est jeune, on conjugue souvent la vie au « futur intentionnel », repoussant chaque jour par un « je vais faire » l’intention de rechercher sa vérité.
Je sais, maintenant que l’âge me rattrape, que je ne dois plus attendre si je veux à mon tour transmettre aux générations qui me suivront quelques modestes détails de leur patrimoine familial.
Les écrits comptent, le reste n’est que bavardage.
Parmi toute la littérature existante, mes descendants trouveront probablement nombreuses sources d’imaginations, recherchant, comme me le disait si bien un historien, « la vérité qui embellit », l’histoire d’ancêtres qui ne pouvaient qu’être héroïques. Gens ordinaires, aux vies extra-ordinaires cependant.

Parce que nous sommes dans un monde où l’image prend le pouvoir sur les mots, que les mots eux-même sont vecteurs d’images incomplètes voire erronées, je voulais simplement apporter un modeste témoignage factuel, anecdote inconnue jusqu’à peu de mes proches et pourtant étrangement forte de vérité.
Mais je ne voudrais pas vous lasser avec mes divagations passagères et vous en dirai un peu plus lors d’un prochain billet.
En attendant, pour vous faire patienter je vous invite un peu à rêver à d’autre chose que d’Enfer.

Ces deux jours passés à « faire de la photo » dans le cap, avec Yvon, m’ont fait pousser des ailes.

Le gardien du phare aime trop les oiseaux (Jacques Prévert)

Des oiseaux par milliers volent vers les feux
Par milliers ils tombent par milliers ils se cognent
par milliers aveuglés par milliers assommés
par milliers ils meurent.

Le gardien ne peut supporter des choses pareilles
les oiseaux ils les aiment trop
alors il dit : Tant pis je m’en fous !

Et il éteint tout
Au loin un cargo fait naufrage
un cargo venant des îles
un cargo chargé d’oiseaux
des milliers d’oiseaux des îles
des milliers d’oiseaux noyés.

Tevennec-ete-bTévennec par une belle journée d’été a des allures de « New Paradise » ce n’est hélas pas les Caraïbes mais un éphémère paradis …

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