Balade à l’île Noire

Cette balade du 20 février 2015, que j’avais prévue de longue date, car programmée par la grande horloge lunaire, allait s’avérer singulière. Ile-Noire-20-2-15-a L’île Noire, ce petit bout de rochers en baie de Morlaix, qui aurait inspiré Tintin et nourri bien des lectures d’enfants, se présente à nouveau à moi en cette fin de matinée de février.
Le ciel est sombre et menaçant. La marée, d’un coefficient de 118, est donnée pour être l’une des plus importantes du siècle. La mer n’est pas encore tout à fait basse. A droite, on distingue parfaitement le château du Taureau .

Ile-Noire-20-2-15-b

Les ostréiculteurs sont déjà à pied d’œuvre.

Ile-Noire-20-2-15-NB

Encore un peu de patience et nous pourrons passer à travers les parcs à huitres.

Une vieille histoire …

Ile NoireJe m’étais déjà rendu il y a de cela quelques années, dans le seul but de repérer les lieux pour une mission que je tenais alors secrète, trouver le temps d’une marée basse, un passage accessible à pieds, pour y conduire ma mère qui enfant y apprit à marcher. (Photo 1930)

Agée de quelques mois seulement, elle viendra habiter cet îlot désert avec ses parents, gardiens de phares, son frère et sa sœur, de juillet 1927 au mois de novembre 1929, date à laquelle la famille partira pour l’île de Batz voisine. Depuis elle n’y est jamais revenue.

Site d’une exceptionnelle beauté
J’avais, par le passé, déjà jeté quelques regards du rivage, pris des photos du côté de Carantec ou de Barnenez, échafaudé quelques plans d’escrocs pour atteindre, à pieds, cette inaccessible étoile. Le paysage ici est si changeant au fil des saisons et des marées que l’on ne se lasse pas de l’admirer. Il faut venir se balader au printemps pour voir de la côte de Carantec l’île Louët et le château du Taureau avec une belle luminosité.
Ile Louet

Ma première virée en solitaire …

Ile SterecLa mer s’ouvrit enfin à moi un beau matin de septembre 2011, l’île Stérec se dévoilait la première, rendant accessible l’estran sur lequel j’amorçais ma traversée, repoussant au fil de ces longues minutes, qui s’égrainaient trop lentement à mon goût, la mer vers le château du Taureau.

Parc-Ile-Noire
Phare-Ile-NoireDe rochers en rochers, à travers les parcs à huîtres, l’eau à mi-mollets, je progressais lentement.
Une petite demi heure plus tard, j’atteignais enfin mon but et me trouvais au pied de la tour carrée.
Oui le ciel est souvent très bleu en Finistère.

Une minute de silence, plongé dans une méditation presque mystique, je n’osais fouler d’avantage les derniers mètres qui me séparaient de l’endroit où quatre vingts ans plus tôt, la petite Yvette posait pour une photo, sur ce caillou que mon regard appuyé fixait comme si j’étais hypnotisé.
Pensant être seul, ma surprise ne fut-elle pas grande d’entendre une voix me demander : « Vous avez repéré quelque chose ? »
Me retournant, j’aperçus un homme d’un âge avancé, un panier en osier à la main, sortir de derrière un rocher.
Plus loin, échoué sur la grève, un petit bateau à moteur, avait probablement déjà déposé, avant que la mer ne se soit complètement retirée, plusieurs laboureurs de sables et “renverseurs” de rochers, calamiteuse horde armée de grattoirs que drainent périodiquement les « grandes marées ».

Ile Noire-1928-Avec le ravitailleur

Ile Noire-1928- Yvette avec le ravitailleur

Déçu d’avoir à partager cet instant de communion, je sortais de ma poche une photo jaunie et la montrais au vieux monsieur. « C’est ma mère, lui dis-je avec une certaine fierté. Cette photo a été prise ici même en 1928. Ici c’est ma roche de Solutré ». L’homme écarquilla les yeux comme s’il venait de découvrir un extraterrestre.

 

Peu enclin à en dire d’avantage, comme perturbé par cette rencontre dérangeante, je m’éloignais, laissant le vieux monsieur à ses occupations, pour m’élancer dans une errance moins terre à terre, contempler les lieux.

amarrage

Château du Taureau

cour-du-phare

port-terenez

peche-crevette

Mais revenons à aujourd’hui, puisqu’il s’agit d’une une autre histoire.
La météo, en ce vendredi 20 février 2015 est certes moins clémente. Une fois encore, la mer se retirera, sans donner à Yvette l’occasion de revenir s’asseoir dans son fauteuil doré. Mais pour combler cette absence, le hasard de la vie me fera un cadeau compensatoire, celui d’ être accompagné par trois artistes, poètes. Un peintre, un gardien de phare et un complice comédien … mais cela c’est un autre secret que je ne veux partager qu’avec eux …
Preuve s’il en est que ma pêche fut bonne et respectueuse de la nature, je ne ramasserai ni crustacé ni coquillage, mais une moisson de bons moments partagés et ces deux ouvrages que je vous invite très vite à lire, vous découvrirez ainsi le talent de ceux qui m’ont accompagné.

Peche-poétique

A gauche le livre de Louis Cozan, ancien gardien de phares, à droite celui de Ramine, artiste peintre Brestois

Rendez-vous au mois prochain, si vous le voulez bien, pour un nouveau billet …

6 réflexions au sujet de « Balade à l’île Noire »

  1. Bonjour Paul,
    Merci pour cette belle évocation de notre « promenade au phare », ce cheminement tranquille et cependant intense vers l’extraordinaire Île Noire !
    Merci aussi pour ce moment de partage que tu as spontanément crée entre ta maman et moi. Dans les mots simples que nous avons échangés il y avait toute la connivence des gens de phares, toute la fraternité des gens de mer.
    Dès que tu la verras remercie la encore pour cet instant béni.
    Bien amicalement.
    Louis

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