Du « Jardin secret » au « Musée du parfum », il n’y a qu’un pas qu’il est agréable de franchir. Ici ce sont les sens olfactifs qui seront mis en éveil. Mais à l’inverse du quartier des tanneurs, les fragrances orientales préparent le visiteur à un bien agréable voyage.
La visite commence au premier étage d’un riad discret du nord de la médina.
Passant d’une alcôve à une autre, le visiteur est invité à reconnaître les 7 parfums du Maroc, senteurs d’épices, d’encens et d’essences aromatiques répondant aux doux noms de jasmin, rose, fleur d’oranger, menthe, cannelle ou patchouli. Suspendus dans des encensoirs savamment disposés, de subtiles odeurs s’y échappent, attisant la curiosité autant que l’addiction à vouloir en sentir encore d’autres.
Passé ce voyage initiatique, le rez-de-chaussée propose à présent au visiteur d’exercer ses talents de « nez » en passant par le « bar à parfums » où, accompagné d’une charmante hôtesse chacun pourra découvrir les subtilités cachées des extraits naturels de bases qui servent à la composition des plus grands parfums aujourd’hui commercialisés.
Avant de s’évaporer dans la nature, avec un regret non dissimulé de ne pouvoir emporter avec soi les arômes éphémères, une petite visite s’impose dans le petit boudoir en forme d’alcôve dont seul l’orient a le secret.
On y trouve exposée une collection de parfums célèbres produits par les plus grands parfumeurs du monde dont le «Soir de Marrakech » d’Abderrazzak Benchaâbane qui collabora un temps avec Yves Saint-Laurent et pour qui il créa le parfum «Jardin de Majorelle ».
Une bonne introduction pour nous rendre à présent, un peu plus à l’est, dans la fameuse Villa Bleue, mais cela, ce sera dans le prochain billet …
Marrakech ne se résume pas à la place Jemaa el-Fna et à ses souks aux senteurs exotiques.
C’est aussi une ville chargée d’histoire, carrefour de riches influences architecturales qui font que derrière les fortes traditions d’un pays arabo-musulman se cache une mégapole ouverte sur l’art, la culture et la modernité.
Pays de contrastes où le Moyen-Age côtoie les hautes technologies, Marrakech saura séduire le voyageur avide de curiosités.
Flâner dans la médina c’est aller à la rencontre des riads, habitations jadis traditionnelles transformées en hôtels particuliers qui laissent entrevoir, à défaut de ne pouvoir les visiter, des architectures propices à faire de sympathiques photos. Les portes de ces demeures attirent les regards autant qu’elles attisent la curiosité.
Sortir de la médina par le sud en empruntant ses ruelles étroites pour se diriger vers la place des Ferblantiers permet d’accéder rapidement au Palais de la Bahia, chef d’œuvre de l’art marocain, « Bahia » signifierait « joli » ou « merveilleux ». Que de marbres sculptés ! Ils proviendraient, parait-il, d’échanges commerciaux avec l’Italie. Construit dans les années 1880, pour le grand vizir Ba Ahmed, ce palais dont les jardins s’étendent sur une dizaine d’hectares, aurait été, un temps, la résidence du Maréchal Lyautey. Un parcours agréable, parsemé de cours intérieures richement décorées et colorées, de jardins encore fleuris en cette saison hivernale, mais que de monde !
A quelques encablures, les tombeaux saadiens. Ce jardin cimetière, qui fait partie de la mosquée El-Mansour a été récupéré au XVIè siècle par les Saadiens. Composé de 3 coupoles dans lesquelles reposent toute l’histoire d’une dynastie aux destinées tragiques, faite d’assassinats résultant de luttes fratricides, la salle principale de la première coupole, appelée salle des 12 colonnes en marbre de Carrare richement ornementée, ne peut être accessible qu’au prix d’une grande patience. En effet, une queue interminable permet d’accéder à l’unique ouverture, où nous le visiteur n’était autoriser de s’attarder que quelques secondes, sans pouvoir pénétrer dans la salle… juste le temps de prendre une ou deux photos. Visite frustrante car j’y étais déjà venu il y a de cela plusieurs années, sans subir ces contraintes.
Première coupole, les douze colonnes, richement décorée
Si l’art traditionnel est présent dans de nombreux palais, édifices religieux ou culturels, Marrakech est également une ville ouverte sur le monde et la modernité. L’Art contemporain s’affiche un peu partout et les galeries d’art foisonnent de propositions tout comme le street art présent également sur de nombreuses façades d’immeubles.
Au nord de la médina se trouve un petit havre de paix, bien caché dans l’un des riads les plus discrets de la médina.C’est le Jardin Secret. Ce vaste jardin exotique dont la caractéristique principale réside dans son système d’irrigation, fut abandonné à la mort de son dernier occupant en 1934. Restauré dans les années 2000 suivant les normes de l’architecture islamique de l’époque, il est agréable d’y flâner et de profiter de sa terrasse pour, le soir venu, venir y prendre un bon jus d’orange en contemplant la ville. Paradis des influenceuses qui, à coup de selfies frénétiques, posent dans les jardins pour immortaliser leur passage.
S’il fallait résumer une atmosphère en trois mots ce seraient ceux-là : Senteurs, Couleurs et Résonances.
Mais restreindre le nombre d’images que l’on rapporte d’un voyage reste toujours un exercice difficile. Pourtant, à travers cette nouvelle page de blog et ce court périple à Marrakech je me suis une fois encore pris au jeu de la sélection suprême avec comme consigne supplémentaire que chaque image transmette à celui qui la regarde, les odeurs, les couleurs et les sonorités de l’endroit où elle fut prise. Alors prêt à l’exercice ?
La place Jemaa-el-Fna, incontournable symbole de Marrakech, est un théâtre permanent en plein air qui attire toujours autant les touristes occidentaux de passage. Foire du trône ou cour des miracles, ce lieu légendaire peut aussi être un vrai piège à touristes, même pour les plus aguerris.
Le soir venu, la place s’anime. Entre marchands du temple, arracheurs de dents et autres charmeurs de serpents, c’est dans un capharnaüm parfois surréaliste que l’insolite côtoie la dure réalité. Ici tout se négocie, même la prise d’une simple photographie.
Terrasses de café surplombant la place
Marchands ambulants
Arracheur de dents
Ici tout se recycle …
Jamais au chômage, obéissant à la baguette
Des Dirhams en échange d’une photo
Parfois les fruits sont … en plastiques
Balade touristique
Plat du jour. Bon appétit !
Porte d’entrée des souks, où il fait bon se perdre dans les échoppes multicolores des artisans en tout genre. Entre étals de bouchers et marchands de babouches, le choix est large et varié. Le passage dans les souks n’est pas le meilleur endroit pour faire du shopping paisible car le flâneur, dont le regard est en permanence attiré par l’insolite, doit sans cesse modifier sa trajectoire. Souvent abordé, il lui faut esquiver les insistantes sollicitations tout en assouvissant son désir de curiosité. Se déplacer dans ces sinueuses allées étroites et se frayer un chemin dans un flux continu en évitant les mobylettes et autres attelages dignes d’une époque moyenâgeuse, reste un exercice compliqué.
Entrer dans un souk c’est entrer dans un labyrinthe où il n’est pas toujours désagréable de se perdre cependant … On y découvre de superbes « fondouks » inspirés des caravansérails, jadis lieux de passages des marchands ambulants, et qui abritent à présent une multitude d’artisans désormais sédentarisés.
Fondouk Ben Youssef
Des ruelles étroites canaliseront mes pas jusqu’à la médersa Ben Youssef, univers des teinturiers et des tanneurs. Avec leur légendaire habileté verbale tel le joueur de flûte qui vous enivrera de paroles autant que des senteurs de cuir de ses babouches colorées, peu de chance d’échapper à un guide autoproclamé qui dirigera alors vos pas vers des lieux moins exotiques … Ici c’est le monde des tanneurs, avec ces immenses bacs en ciment dans lesquels macèrent sous le soleil, peaux de moutons, de chèvres ou de chameaux. Les fortes odeurs d’ammoniac, dérivé d’urines animales, finiront par vous déboucher les sinus… Le reste, je vous laisse l’imaginer, tout comme les contorsions verbales dont il faudra faire preuve pour s’extraire des griffes de nos guides successifs qui finissent toujours par vous faire passer par une case magasin. Garder son calme, flegme et humour sont les meilleures des attitudes pour ne pas finir au fond d’une cuve de fiente de pigeon !
Univers des tanneurs
Ayant réussi à survivre et à trouver enfin la sortie du labyrinthe nous nous laisserons à présent guider par les bruits. Entre les appels périodiques à la prière et les mélodies métalliques des marteaux résonnant sur l’enclume, tout ici est rythmé, cadencé. Ferronniers, dinandiers , céramistes, ébénistes, tanneurs, teinturiers, réparateurs en tous genres, ici la notion de temps semble être une valeur immuable et intimement liée à la notion même de la transmission des savoir-faire. Probablement que cette donnée, depuis longtemps éteinte dans nos sociétés d’abondance du « Toujours plus », devrait être plus présente à notre mémoire. J’aime ce monde de « manuels ». Je m’y identifie certainement parce que je mesure combien le plaisir de savoir travailler de ses mains, apporte non seulement satisfaction personnelle mais est garante d’indépendance. La richesse de l’artisanat dans ces sociétés anciennes, est dans le fait qu’elles ont su transmettre de générations en générations les gestes essentiels à leur indépendance. Les graves crises que traversent aujourd’hui les sociétés, qui se disent « modernes », sont révélatrices de leurs faiblesses.
La mécanique c’est du solide. Peu de chance de tomber en panne …
Rien à mes yeux ne peux mieux résumer ce pragmatisme que l’observation de ces tourneurs sur bois. Ici le moteur de la machine c’est encore la main de l’homme, et l’intelligence de la main est poussée à son paroxysme … la dextérité nous offre une symphonie à 4 mains.