Si les jardins sont souvent associés à la poésie, à la rêverie portée par la nonchalance, les cabinets de curiosités sont des espaces où l’imaginaire est en proie au questionnement. Ayant travaillé dans le domaine de la radiologie médicale durant de nombreuses années, sillonnant les départements de Bretagne ou d’île de France, j’ai parfois rencontré des médecins à la fantaisie surprenante. En fonction de leurs spécialités chacun rassemblait dans des vitrines, comme le font les chasseurs avec les trophées, des collections d’objets aussi invraisemblables que variés. Des fioles contenant je ne sais quelles pièces anatomiques, des insectes, des collections de radiographies ou de photos extravagantes, parfois dénuées de significations scientifiques, des instruments aussi insolites qu’effrayants, surtout lorsque l’imaginaire n’a pas les codes nécessaires à la compréhension. On a tous dans nos mémoires d’enfants l’image de la pince de l’arracheur de dents. Le musée de médecine navale de Rochefort est probablement l’un des plus complets à ce sujet.
Pas étonnant donc que les médecins voyageurs durent, au cours de leurs circonvolutions maritimes, croiser les chemins de médecines éloignées de leurs propres pratiques. L’échange étant toujours bénéfique à la connaissance, fidèles à la philosophie des explorateurs du Siècle des Lumières, les médecins et scientifiques rapporteront de leurs périples, échantillons de plantes, coquillages, papillons et une multitude d’objets inconnus voire mystérieux. Au 19ème et jusqu’au milieu du 20ème siècle se développèrent beaucoup de cabinets de curiosités.
La salle d’honneur de l’hôpital maritime de Brest fut à cet égard, de nombreuses années durant, le siège d’un vrai musée dans lequel on pouvait voir des collections de papillons, des écrits de personnalités, des photos anciennes, même une jambe de bois.
Bref, des objets provenant de différents continents, tous rapportés ou offerts par de généreux donateurs, au premier plan desquels bien évidemment Victor Segalen.
S’il m’est arrivé de répertorier ces collections d’objets lors de mon travail, je me souviens particulièrement d’une plaque de bois exotique noire, laissée par un donateur et dont la signification interpelait les plus érudits de nos médecins. Ces interrogations devaient éveiller en moi une certaine curiosité au point que j’en conservais une épreuve photographique, me disant qu’un jour peut-être je croiserais les pas d’un chinois, susceptible d’éclairer ma lanterne. En reprenant la lecture de « Stèles » je me suis remémoré l’existence de cette photo mystère dans mes archives. L’heure est venue de vous la proposer.
Probablement que cette tablette servait à l’impression puisqu’il semble que les idéogrammes sont gravés à l’envers. Par un effet miroir, il est aujourd’hui possible d’avoir l’écriture dans un sens plus déchiffrable …. Alors, si par un heureux hasard, un spécialiste venait à lire cette page, je serais comblé qu’il m’informe du sens et du contenu du document.
Rien ne dit cependant que cette plaquette fut rapportée par Victor Segalen, mais la Chine ayant été sa cour de récréation et ses recherches archéologiques sources d’inspiration, peut-être qu’un lecteur attentionné pourra en décrypter le message et ainsi trouver l’énigme qui me questionne depuis tant de décennies.
Ainsi est née ma curiosité pour le personnage de Victor Segalen et ses poésies aux allures de carnets de voyages. Alors, tant qu’à commencer le voyage, continuons le encore un peu, en théâtre cette fois …. (la suite dans un prochain billet)