Le Larvoratoire

Si j’étais convaincu, depuis bien longtemps, qu’il se passe toujours quelque chose à Douarn, c’est ainsi qu’un Penn Sardin (1)  pur beurre appelle la ville de Douarnenez, je reste toujours étonné de l’énergie que ses habitants déploient pour tenter de redynamiser, par la vie culturelle, si malmenée en ces périodes de pandémie, les profondes mutations qui transforment notre société.
Ainsi, entre le Port Rhu, où se trouvent les chantiers de l’Enfer dédiés à la sauvegarde du patrimoine maritime et la rue “Monte Au Ciel” au sommet de laquelle se trouve le bistrot « Le Paradis » il y a de la place pour tous ceux qui sont animés du désir “Créateur”.

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Rien étonnant donc que les esprits célestes se soient un jour penchés sur cette cité sardinière au caractère bien trempé, parfois un peu rebelle, pour y semer quelques graines prolifiques.
Sans dénaturer le paysage et en respectant l’ambiance des anciennes boutiques d’antan, un petit bistrot se transforme en café librairie, une mercerie en atelier de couture, une quincaillerie en atelier d’art créatif, un marchand de souvenirs en modiste novateur et la minuscule échoppe du marchand de fleurs en atelier de peinture ou en simple habitation.

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Mais aujourd’hui ce qui attire mon regard, c’est l’ancienne vitrine du marchand de chaussures où, il y a quelques décennies, les petits Bolomig (2) devaient y chausser leurs premiers sabots.

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Jadis boutique de chaussures, connue ici comme étant “La Maison Larvor” du nom des anciens propriétaires, le magasin aujourd’hui s’est métamorphosé en lieu d’expositions et d’échanges autour des thèmes liés à la photographie.

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La poésie étant toujours présente dans cette ville où j’aime revenir flâner, pas de surprise donc que ce lieu d’agitation cérébrale porte désormais le label de “Larvoratoire”.

Fidèles à l’esprit de la revue Douarneniste “Mémoire de la Ville”, les actuels locataires se fixent l’ambitieux projet de faire revivre les lieux en organisant des rencontres entre photographes professionnels et amateurs, ainsi que des stages de pratiques photographiques à l’ancienne, redonnant vie à des techniques aujourd’hui oubliées.
La photographie et les écrits ne restent-ils pas les meilleurs remparts contre l’oubli ?

La rencontre que je devais faire en ce dernier jour de l’année Covid 2020 avait tout pour me surprendre car, en poussant la porte vitrée, je restais en arrêt sur quelques visages connus …
Si j’avais perdu depuis longtemps la trace de plusieurs modèles exposés, peut-être qu’en visionnant cette page de blog certains se reconnaitront. (3)

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Mais comme je le disais en introduction à ce billet : « A Douarnenez il se passe toujours quelque chose ! »
Partant de ce constat vous ne serez donc pas surpris que je revienne, par un prochain billet, vous reparler de Lazaret, de Carnaval, ou du Nouvel An Chinois mais toujours avec la jovialité exquise qui caractérise tant cette étonnante cité de caractère.  (à suivre donc)

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(1) Penn sardin
: Nom donné aux habitants de Douarnenez, ancien port de pêche (Traduction littérale du breton -Tête de sardine) . Par extension, cette appellation est aussi donnée aux coiffes des femmes de la région de Douarnenez.
(2) Bolomig : En breton « petit homme ». Statuette égyptienne qui devint le symbole de la ville de Douarnenez.
(3) Deux jeunes photographes vivant en Bretagne, Vincent Gouriou et Simon Jourdan, exposaient leurs travaux, avec chacun une approche différente et singulière mais un point commun : « la rencontre humaine ».  L’expo s’est terminée le 30 décembre 2020.

 

Etre femme à Douarnenez

La journée de la femme m’a donné l’occasion de ressortir quelques photos que j’avais immortalisées lors de l’une de mes nombreuses visites dans ce Port de Douarn comme on le nomme ici. Ce nom de port de pêche du Finistère, rendu si célèbre dans les années 1920, époque de la crise sardinière, où les femmes, en particulier, jouèrent un rôle primordial dans l’émancipation de leur condition ouvrière.

Affiche éditée en 1982 par la CGT Pays bigouden à l’occasion d’un débat sur les grèves des sardinières des années 1926-1927

Le tempérament rebelle perdure au sein de cette cité de caractère, dominé par l’esprit féminin, jamais à court d’arguments, pour défendre “leurs causes”.
Non seulement il perdure, mais il se transmet de générations en générations de Penn Sardin comme en témoigne cette initiative conduite par Sylvie Contant et la Compagnie des Praticables en 2015, consacrée à la mémoire féminine douarneniste à travers la réalisation d’une exposition de photos, affichées un temps sur le mur de la station service du port de pêche.

Cette exposition éphémère n’est plus, c’est dommage. Heureusement que l’éphémère se mémorise très bien de nos jours avec le pouvoir magique de la photographie. J’attendais un moment propice pour vous délivrer ma collecte originale, et partager le souvenir de l’esprit qu’elle transmet. Avec la journée de la femme qui vient de se dérouler cette semaine, le moment est venu de vous les présenter …

Alors revisitons ensemble un petit passé de Douarn, entre la rue Monte au Ciel et le Petit Barbizon, face à l’île Tristan, gageons qu’il plane encore pour longtemps à Douarnenez et ailleurs dans le monde, l’esprit frondeur et résistant féminin pour qu’il sème encore plus de rues  : “Au nom d’elles”.

Par trois panneaux, Sylvie Contant oriente les visiteurs sur sa démarche, dont voici un extrait : « Ce qui m’importait avant tout dans cette démarche, c’était de proposer des noms en lien avec la ville, des noms de femmes qui parlent aux gens, dont ils se rappellent ou qu’ils vont découvrir. Renommer par exemple le parking des Halles, face à l’usine Chancerelle, « Place des Usinières », le quai du Rosmeur, « Quai des Patronnes de Bars », puisque sur le port ce sont des femmes qui, pendant des années ont tenu ces commerces. Des noms de Résistantes aussi, Madeleine Gestin, Marguerite Seznec, Eugénie Kérivel qui s’est proposé de se faire fusiller par les Allemands avec son mari, à la place du jeune Guy Moquet. 3 noms parmi d’autres car elles furent nombreuses. » – Les portraits et reprises de photographies des panneaux sont à mettre au crédit de Sophie Morice-Couteau.

Rue éphémère « Aux noms d’elles »

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Et comme cette collection de femmes ne me semblait pas totalement complète, j’en ai rajouté quelques autres, anonymes au regard de beaucoup de visiteurs de ce blog, mais toutes authentiques, de Douarn et pas inconnues de tous, je peux vous l’assurer. C’est ici que j’ai passé mon enfance, sous haute protection féminine au lendemain des sombres années de guerre dans ce Dock de L’ouest, à deux pas du Bolomig, rue Jean Bart, autre personnage emblématique de cette belle cité de caractère.

 

A bientôt, pour un autre sujet. Douarnenez, j’y reviendrai, avec d’autres photos …