Balade de phare en phare (5)

Quatre vingt dix ans se sont passés, et les principaux acteurs de cette saga ont depuis longtemps refermé leurs livres d’histoires, de phares, de mer, de rivages lointains.
Les phares aujourd’hui ne sont plus gardés et sont livrés aux humeurs des vents du large et aux embruns salés, abandonnés des hommes épris de technicités, d’automatismes redoutables, d’ordinateurs sans âme.

Armen livré aux cormorans, les infrastructures se dégradent …

Les derniers gardiens de phares, désormais en retraite méritée, transmettront encore quelques temps aux jeunes générations les raisons de leurs passions et leurs récits improbables avant que ne s’abîme d’une manière irréversible la mémoire des feux d’antan et avec elle, celle de leurs occupants.
Puisant dans les légendes romancées quelques certitudes académiques, laissant libre cours à leur imagination, les nouveaux romanciers, dessinateurs de bandes dessinées, artistes peintres, chroniqueurs ou chasseurs d’images avides de beaux clichés, s’empareront de ces espaces chargés d’histoires peu ordinaires pour les transformer, à leur façon, en théâtres poétiques.

Déjà en 1920 la rentabilité poussait l’administration centrale à réduire les effectifs de gardiens. Désormais le fruit est mûr, la profession est éteinte. Au nom des progrès technologiques, le GPS a remplacé le sextant et comme le monde est devenu écolo, le cormoran bleu remplace à présent le peintre en bâtiment dans son travail de ravalement.
Avec cette série d’articles sur mes phares préférés, et avant que ceux-ci ne rejoignent, comme celui d’Alexandrie, le domaine de l’archéologie, j’ai, dans une troménie païenne et navale, exaucé un vieux rêve d’enfant, dont je vous livre quelques images.

Vue plongeante d’Eckmühl, un soir de septembre.

Phare d’Eckmühl – Hauteur 65m – 307 marches

Du haut du phare d’Eckmühl je contemple l’horizon. L’interminable escalier en colimaçon, dont le mur est revêtu de carreaux d’opaline, atteste de l’infinie beauté architecturale de ce phare de légende. Le phare n’est pas qu’un instrument utile à la navigation, c’est aussi une œuvre d’art, appartenant au patrimoine de l’humanité.

Sans la présence des gardiens et leur attachement viscéral à l’entretien de ces lieux d’exception, il est fort probable que ces édifices n’auraient pas résisté à l’usure du temps et encore moins aux humeurs du climat.

La baie d’Audierne s’étend le long du rivage, en formant de longues bandes sablonneuses convoitées par les surfeurs, pour rejoindre, au loin, les falaises escarpées et rocheuses du Cap Sizun. Dans quelques heures je serai au pied de la dernière roche de la chaussée de Sein, minuscule caillou où fut érigé le mythique phare d’Armen, situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de l’île de Sein, après c’est l’Amérique.

Je saluerai au passage la Vieille. Puis, empruntant les légendaires courants du Raz de Sein, que les pêcheurs de bars appellent, paraît-il, « la lessiveuse« , nous nous rendrons au bas de l’échelle de fer rouillé de cette roche maudite qui se nomme Tévennec,  source d’inspiration de plusieurs articles de ce blog.

Phare de la Vieille – Pointe du Raz

A la faveur d’un huit clos que nous offre notre embarcation pneumatique, univers propice à quelques confidences, nous y ferons une courte halte.

En mémoire à la famille Ropart, derniers gardiens en 1910, date de l’automatisation et une pensée pour l’aïeul rebelle qui, en octobre 1908, y laissa sa vie.

Le temps pour moi d’une brève méditation, je me remémorerais ces veillées d’antan et les histoires de mes anciens, lorsque aux vacances de Toussaint, bercé par le chant lugubre d’une corne à brume, mes songes de nuits d’automne me plongeaient dans ces univers d’hommes audacieux qui ne devinrent vraiment libres qu’après avoir fait, comme tant de marins hélas, leur trou dans l’eau.

Mais aujourd’hui il fait beau, et je voudrais vous quitter sur une note plus poétique et moins nostalgique en vous faisant profiter du spectacle que nous offre la nature avec ces dauphins joueurs, les phoques qui se prélassent sur les galets de Sein, les fous-de-bassans et autres cormorans chasseurs.

Echoué sur l’estran, près du phare de l’île, l’intrépide devra attendre la marée montante pour retrouver sa liberté.

Après une halte à l’île de Sein, le voyage continue, au plaisir de rencontres avec les grands dauphins. Au loin se dessine déjà l’objectif principal de la journée : l’enfer des enfers.
Enfin le moment tant attendu, Armen. Nouvelle méditation, le pèlerinage est terminé.

D’une hauteur de 33 mètres. Mis en service en 1881 après 14 années de construction. Une pensée pour le grand-père, qui y séjourna de 1922 à 1924.

Une bien belle évasion à mettre à l’actif de notre guide Didier, d’Archipel Excursions, Qu’il soit ici salué, ainsi que le petit comité de personnes sympathiques avec qui j’ai partagé cette journée.

C’était un jour d’octobre 2017. Kénavo donc, et à bientôt pour une toute autre histoire.

Article précédent : Balade de phare en phare (4)

Qui voit Sein …

Sein-160514
Je terminerai cette petite “triangulation ilienne” par un hommage aux valeureux sauveteurs en mer, indispensables Saint-Bernard pour les marins du monde.
Pour illustrer ce dernier dicton : “Qui voit Sein voit sa fin”, je me dois de retourner un instant sur ces paysages de Sein qui illustrent à la fois le balisage des passages maritimes à ses abords, son système de veille, indissociable lui aussi du passé prestigieux des gardiens de phare et de mettre en lumière à travers quelques photos nouvelles, les stigmates de naufrages que le temps n’arrive pas à effacer de nos regards trop souvent indifférents. Derrière chaque fortune de mer se cache un invisible drame.

La station de sauvetage de Sein
Il fallut attendre la fin des années 1866 pour que l’ile de Sein se dote de son premier canot de sauvetage. C’était au temps de la rame et de la voile.
Comme dans les stations d’Audierne ou de Penmarch les premiers canots avaient une bien singulière allure.

MaquetteAmiral-Barrera

Maquette de l’Amiral Barrera

Les équipages, tous bénévoles comme ceux aujourd’hui, devaient s’armer de courage pour affronter les caprices de la mer.

Canotiers du "Général Béziat" -photo datant des années 1930

Canotiers du « Général Béziat » -photo datant des années 1930

Ici sur cette photo, mon grand-père (deuxième à partir de la droite de la photo) pose pour la postérité. Il s’agit de l’équipage du canot de sauvetage d’Audierne, Général Beziat, dans les années 1930, mais la vie des canotiers de Sein, de Penmarch et de bien d’autres stations de l’époque était identique, leurs quotidiens communs.
En arrivant à Sein, je découvre le tout dernier canot de sauvetage dont vient de s’équiper la station de sauvetage. Premier exemplaire d’une série de canots de sauvetage de toute nouvelle génération le SNSM 001 qui vient en remplacement de « La ville de Paris » en partance pour une retraite bien méritée ou une migration vers d’autres horizons plus cléments. Jos Fouquet, intarissable sur le sujet me fera part de quelques anecdotes maritimes dont il a le secret, je reviendrai sur cette rencontre à la fin de l’article pour en reparler.

Canot Yves et François Olivaux

Canot Yves et François Olivaux

Un cargo nommé Helene
Les stigmates des naufrages sont encore visibles sur les rivages de l’île.
Ici, les restes des entrailles éventrées du cargo Danois le Helene intriguent toujours les touristes.
Le Helene s’échoua sur les côtes de Sein en décembre 1929. Si le cargo fut démantelé après la deuxième guerre mondiale, quelques vestiges subsistent encore, résistant aux assauts des vagues et à l’érosion du temps, pour le plaisir des photographes.
Helene (1)

Pour les photographes épris d'images insolites ....

Pour les photographes épris d’images insolites ….

mecanique

… ou pour satisfaire la curiosité des experts en mécanique.

Vestiges naufrages (1)

L’hélice à quatre pales du navire est également visite près du restaurant Armen sur la route du phare. L’homme est friand de fortunes de mer qui pour l’occasion se transforment en éléments de décoration.

Quand la couleur illumine le paysage
Retrouver les paysages et l’atmosphère ancestrale de l’île est toujours pour moi, un plaisir inlassablement renouvelé et il suffit parfois de changer de point de vue, pour saisir une nouvelle image, un nouveau regard.
La luminosité change sans cesse en fonction de l’heure. Tantôt voilé, tantôt bleu, le ciel impose au décor son ambiance particulière parfois éloignée du réel car l’image enregistrée par le boitier n’est pas celle que l’œil humain perçoit.
S’il est toujours tentant de sublimer les images, j’ai toujours préféré me laisser surprendre par l’harmonie naturelle que restitue mon appareil photo.
Même si mes photos ne sont pas toujours « bio », j’essaie de ne pas les « massacrer » à coup d’effets pompeux irréalistes, de superpositions improbables, ce que hélas les nouvelles technologies permettent actuellement trop facilement, dénaturant ainsi cette perception du réel tant appréciée des photographes formés à l’école de « l’argentique ».

Couleurs-senanes

La chapelle St Corentin à la pointe ouest de l'île. En arrière plan, la corne de brune du Gueveur.

La chapelle St Corentin à la pointe ouest de l’île. En arrière plan, la corne de brune du Guéveur.

Phare-soir

En Mai aussi, la nature fait ce qui lui plaît …

Sein-Entre phare et amerSein-160514 -phare Sein-160514-a

Indications essentielles à la navigation maritime, pour entrer et sortir des ports sans encombre, les balises restent les éléments incontournables de la sécurité maritime.

(A gauche en vert Ar Guernic, à droite en rouge Cornoc ar Vas Nevez)Ar Guernic Sein-160514 (144)

De belles rencontres
Tout d’abord merci à Dominique Spinec pour son accueil en tant que propriétaire de chambres d’hôtes dans cet agréable lieu nommé « Baradozic« , ce qui en breton veut dire Petit Paradis. Une adresse à retenir pour celles et ceux qui désirent passer un agréable séjour à la découverte de l’île.

Livre Jo Fouquet
Merci également à Jos Fouquet qui m’a longuement parlé avec enthousiasme des phares aux abords de Sein dont aucun ne semble avoir de secrets pour lui, pas plus que de la connaissance de la station de sauvetage de l’Ile dont il vient d’en dresser l’histoire dans son dernier ouvrage « L’île de Sein et sa station de sauvetage de 1866 à nos jours« .

Un excellent document à recommander à tous les lecteurs de cette page de blog que la curiosité poussera à en savoir un peu plus sur la vie et l’histoire des sauveteurs en mer.

Pour montrer que l’ile de Sein n’est pas aussi plate que certains le prétendent, voici le dernier sommet du vieux continent que de bien intrépides alpinistes étaient venus escalader avant peut-être celui de la chaine des Appalaches d’Amérique, un peu plus à l’ouest…
Sommet
Enfin, venir à Sein sans y passer une nuit serait se priver d’un spectacle inoubliable.
Un coucher de soleil à l’horizon, en direction d’Armen, seul phare capable à mes yeux de réunir l’espace d’un court instant, l’image d’un enfer et celui d’un paradis.

Coucher de soleil sur l'Armen

Coucher de soleil sur l’Armen

Coucher de soleil sur l'Armen le 14 mai 2016

Le 14 mai 2016. Coucher de soleil sur les rochers proches de l’Armen où les oiseaux viennent se cacher, avant de s’endormir.

A bientôt pour un nouvel article, sur une toute autre destination.

Equinoxe et transparence …

Lors des marées d’équinoxe, l’estran se découvre et la magie de la lumière opère pour me dévoiler ses transparences minérales et cristallines.

Poulgoazec (Finistère)

During autumn tides, lights are so magic that foreshore lets me discover its crystalline transparencies …

Contre jour

Transparences (1)

Ile de Sein, côte sud (Finistère)

Transparences (16)

Végétal

La mare aux galets

Transparences (17)

Filet granitique

Transparences (15)
C’était un soir d’automne, quelque part sur la côte bretonne ….
à bientôt pour un nouveau billet.
It was an autumn evening, somewhere on the Brittany coast ….
soon for a new article.

Kenavo.