Faisant écho au poème d‘Arthur Rimbaud, la présence du trois mâts russe Shtandart au mouillage devant le port Tudy de Groix, me ramène à l’image du petit bistrot du village de Locmaria, que j’avais jadis visité, à deux pas des vestiges de la tombe Viking de Groix.
Symbole des conquêtes guerrières, comme aux temps des vikings, cette réplique d’une frégate russe du XVIII siècle est aujourd’hui mise au ban des nations européennes depuis le conflit russo-ukrainien. Naviguant de port en port, sans pouvoir accoster, sa présence ici symbolise l’errance du voyage et la liberté que la mer apporte aux hommes et aux poètes assoiffés de conquêtes ou d’horizons lointains.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones, La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes, Et je restais ainsi qu’une femme à genoux,
Presque île, ballottant sur mes bords les querelles Et fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds. Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Notre présence dans les mêmes eaux nous permettra de nous approcher du navire emblématique, battant à présent pavillon des îles Cook, et d’en admirer les superstructures en souffrance, aux accastillages vieillissants.
Qui voit Groix voit sa joie, parait-il. Puisse cette proximité maritime, sur la route de l’Amitié, à défaut de réunir les hommes, leur permette un instant de vivre quelques instants de poésie.
L’arrivée à Loctudy se fera discrète. Compte tenu de l’absence de vent portant nous arriverons tardivement à destination et rejoindrons notre emplacement dans le port de pêche, face à l’île Tudy.
Tout comme nos amis du « Skellig » et de « Marche-Avec » nos points d’amarrage seront éloignés de ceux des autres participants. Par voie de conséquences, nous serons contraints à de longs déplacements pour atteindre douches et sanitaires.
Face à l’île Tudy
Au petit matin, Joël vient à notre rencontre et embarquera avec nous quelques jours, apportant pain frais et croissants, ce premier petit déjeuner sera simplement royal.
Matin du 5 août, avant départ pour les Glénans. Le jour se lève.
De nouveaux adhérents se joignent à nous pour une balade nautique en direction des Glénans. La balade vers les Glénans sera tout simplement féerique. Accompagnés du ballet des dauphins, l’archipel polynésien breton s’offre à nos regards, nous faisant oublier quelques instants l’absence de vent.
Le lendemain c’est le départ pour l’île de Groix. A nouveau peu de vent, pour ne pas dire aucun. Nous serons contraints de naviguer au moteur une bonne partie de la journée. En passant près de l’ile aux Moutons j’ai une petite pensée pour le couple de gardiens de phare Quéméré qui, en venant s’y installer en 1905, avaient cédé leur place de la maison phare de Tévennec à quelques uns de mes ancêtres. Tévennec s’invite donc à mes pensées et à cette nuit tragique d’octobre 1908, durant laquelle un de mes aïeux perdit la vie, victime d’une lame scélérate. La mer réunit aussi les hommes par leurs souvenirs.
L’Île aux Moutons où vécut la famille Quéméré et ses 14 enfants.
Mais laissons de côté ces songes de nuit d’été et revenons à cette mer dont les dauphins ont fait leur terrain de jeu. Déjà Groix est en vue et de nouvelles rencontres nous attendent.
Lente progression silencieuse jusqu’à l’entrée de port Tudy dont le savant planning des organisateurs devait permettre à chaque équipage de trouver sa place. La manœuvre d’accostage est délicate compte tenu de la taille du bateau et des contraintes d’accès aux pontons. Aidés par quelques âmes charitables nous arriverons cependant à sécuriser la manœuvre.
Port Tudy, île de Groix
Ces quelques moments de tension seront vite passés cependant, lorsque les membres de l’Association An Distrode Groix nous inviteront à les suivre pour un pot d’amitié.
Entre passionnés de vieilles coques, nous aurons quelques moments de complicités pour échanger de courts instants sur l’intérêt commun qui nous réunit, celui de faire vivre les vieux gréements…
Après un enchaînement de visites du bateau par les touristes et une soirée festive sur les quais du port d’Audierne, l’heure est venue, au petit matin du lundi 4 août 2025, de prendre la mer à bord du Langoustier « Cap Sizun ». Réplique des langoustiers traditionnels du siècle passé, construit en 1991, il sera pour la flottille l’ambassadeur du port l’Audierne.
Ce bateau associatif organise des sorties en mer et participe activement chaque année aux rendez-vous de fêtes du patrimoine proposées dans le département. Nous pouvons tous devenir adhérents et généreux donateurs afin de contribuer longtemps encore à son entretien et à son rayonnement.
Matin du départ
Atelier avec enfants
Pour cette treizième édition de la « Route de l’Amitié », une centaine de bateaux de plaisance et quelques vieux gréements vont sillonner les côtes du Finistère et du Morbihan pour un court périple d’une semaine qui mènera les équipages vers Loctudy, les Glénans, l’Ile de Groix, Lorient et Belle-Ile-En mer. Le retour vers le port de départ étant programmé pour le lundi 11 août.
Matinée brumeuse
Notre équipage, au départ d’Audierne, composé d’une dizaine de personnes sera, au cours de la navigation, rejoint par de nouveaux adhérents. Certains ne faisant qu’une partie du voyage. Ce qui sera mon cas puisque je débarquerai à Lorient. Pour ma part, cette première expérience de navigation sur un vieux gréement me permettra de goûter quelques instants les ambiances de vies exiguës des équipages, du temps de la marine à voile. Marin d’eau douce, au passif de terrien, embarquer sur ce bateau emblématique du Cap Sizun, en direction de l’île de Groix, sera un clin d’œil à mes ancêtres, valeureux marins de commerce, de pêche ou de la Royale, autant qu’à quelques descendants qui firent le choix de venir s’y installer. Avant que je ne quitte ce monde, il fallait bien pour venir à leur rencontre que je fasse honneur à mes gènes de marin.
Le temps était plutôt frais en cette matinée d’août, un léger crachin venait même agrémenter le tableau d’un bel été breton. Les premières manœuvres passées pour sortir du port, le moment est venu de hisser voile, foc et trinquette et d’ajuster le cap au mieux des courants marins. Direction la pointe de Penmarc’h.
Au premier plan le Skellig de Douarnenez et le Marche-avec de Concarneau
De la petite armada, désormais en ordre de marche, les équipage peuvent à présent se détendre des premiers efforts physiques occasionnés par les manœuvres successives. Déjà certains, aux montures plus sportives prennent le large et s’éloignent de la côte quand d’autres, à la recherche de vents plus porteurs, affinent leurs gréements à la recherche de trajectoires plus conformes à leurs structures vieillissantes. C’est bien connu, qui veut voyager loin ménage sa monture.
Ce bel espace de navigation laisse aux amateurs de photographies libre cours à leurs rêveries et compositions artistiques. Savoureux moments où tout semble être hors du temps… instants propices à la méditation, pour certains, pour d’autres à l’action. Arrosage du pont, contrôle de la navigation car c’est bien connu du marin : toujours être vigilant. Une main pour sa sauvegarde, l’autre pour celle du bateau.
Complicités
Transmission
Toujours actif …
Repos …
Réparation
Eau denrée précieuse
Pas beaucoup de vent sur ce parcours qui nous mène à Loctudy. Probablement que notre arrivée en pays bigouden sera tardive. Déjà les premiers bateaux de pêche entrent au port, suivis comme il se doit d’une nuée d’oiseaux marins.
Retour de pêche
Tout voyage apporte son lot de surprises, rencontres éphémères qui marquent les esprits, rendez-vous secrets, images furtives, instants suspendus. Ainsi vogue le navire du temps. (La suite dans un prochain billet)