Venise, ville d’art en danger (5)

Ce matin je décide de partir pour une dernière partie de chasse photographique, pendant que d’autres iront de leur coté, faire la chasse aux bonnes affaires. Vous aurez traduit : séance de « shopping”.

Direction donc le Ca’ D’Oro, réputé être l’un des plus beaux palais gothiques de Venise.J’aime à déambuler dans les villes que je visite, hors des circuits de grandes processions, où en files indiennes les touristes se bousculent, chacun regardant ses pieds ou scrutant l’écran de son téléphone portable. Je trouve pour ma part si agréable de marcher les yeux dans les nuages, les mains dans les poches et les sens aux aguets. On y fait souvent de belles rencontres, comme ici avec des gamins jouant au ballon. Un petit air de Fellini semble planer dans cette arrière cour.

Le quartier du ghetto est probablement celui où se dégage une atmosphère singulière, tant le poids de l’histoire y est encore présent. Ce quartier est celui de la communauté juive depuis que celle-ci fut chassée d’Espagne en 1492. A l’époque il y avait ici une fonderie (getto en vénitien), origine du nom « ghetto« . Celui de Venise est probablement le premier de l’Histoire … (cf « Le Guide du Routard »).
Les marchés également sont des espaces propices aux rencontres lorsque les étalages de primeurs aux parfums exotiques offrent par leurs couleurs, de belles images .Derrière le marché, une place, face à l’église proche du Rialto, m’invite maintenant à découvrir la musique italienne. Pays des Stradivari et autres Amati, il est impossible de passer sous silence le 17ème siècle alors que Crémone était le berceau des plus illustres luthiers de tous les temps.L’église San Giacomo di Rialto, est l’une des plus anciennes de Venise. C’est un lieu incontournable pour les passionnés de musique baroque. Accompagné d’airs de Vivaldi, le visiteur peut admirer une belle collection d’instruments et des documents d’époque. A défaut de ne pouvoir sonder celle des hommes, on peut voir l’âme d’un violoncelle.

J’en profiterais pour faire quelques plans photographiques sur l’horloge de San Giacomo dont la caractéristique principale est d’être graduée en 24 heures et de ne posséder qu’une seule aiguille.

Sur cette même place, une belle fontaine rappelle aussi que Venise est une ville de théâtre.
Difficile de ne pas voir les masques de la Commedia Dell’Arte. Ils sont partout, sur les fontaines, les poignées de portes d’entrées des maisons et celles des palais, jusque dans les boutiques pour touristes. J’avais rencontré à Naples, il y a quelques années, un de ces anciens facteurs de masques réalisés en cuir. A présent ils ne sont plus nombreux dans le monde à en maîtriser la technique et les facteurs de masques, de nos jours, travaillent le papier mâché ce qui ne retire rien à leur beauté artistique. On peut encore les voir travailler dans certains ateliers spécialisés. Mais les masques que l’on trouve sur les étales des rues sont en plastique et proviennent de Chine. Au fil du temps qui passe on s’éloigne des théâtres vénitiens, pour n’en retenir que l’image du carnaval.Pas très loin du Rialto, se trouve la maison de naissance de Carlo Goldoni, né en 1707, il mourra à Paris en 1793, dans la misère.
Si le théâtre de la Commedia Dell’Arte était surtout basé sur la farce improvisée, Goldoni le fera évoluer avec des écritures plus structurées. Il était à l’Italie ce que Molière fut à la France, un auteur de comédies satiriques aimant à dépeindre les travers de la société.Cinq jours à Venise et un séjour bien rempli. A présent, il va falloir songer à refermer les valises. Comme dans tous voyages, le temps est toujours limité et trop court. Mais est-ce si important de courir après lui dans le seul but de coller sur ses valises la liste de ses trophées éphémères ?
Il me reste tant d’images que je ne peux partager, comme celle de ce regard d’enfant se promenant en gondole sur un grand canal fatigué. Les voyages sont aussi, pour les grands-parents, de savoureux moments d’échanges avec les petits enfants. L’avenir de la planète leur appartient et ce patrimoine est désormais entre leurs mains.Avec ces dernières images prendra fin notre périple vénitien. Cette cité lacustre n’est pas une cité comme les autres. L’environnement “aquatique” qui prédomine ici questionne sur la longévité et la résistance des architectures. Étonnamment, les siècles qui se succèdent semblent, à première vue, ne pas avoir trop de conséquences néfastes sur la solidité des édifices, bâtis en grande partie sur l’eau. Pourtant …

Si Venise, pendant des siècles, a vécue au rythme lent des gondoles et d’une marine à voile, préservant le milieu d’une lente érosion, une menace d’un tout autre ordre existe aujourd’hui. Le tourisme de masse, les paquebots et l’agressivité d’un environnement industriel risquent de mettre en péril cet équilibre fragile.
Reviendrais-je un jour revoir Venise ?

 

Article précédent : Venise, Murano, Burano (4)

Venise, ville chargée d’histoire (3)

Recommandée par tous les guides touristiques et non sans raison, une bonne introduction pour prendre contact avec Venise et son patrimoine architectural est de se laisser glisser en vaporetto sur le Grand Canal, de la piazzale Roma à la piazza S.Marco. Cela permet d’admirer de part et d’autre des rives du canal, des palais transformés en musées, hôtel ou résidences particulières ainsi que les mythiques ponts de Rialto et de l’Accademia.

  Ci-dessus, le Rialto envahi par les touristes.

Quittant l’hôtel vers 9h du matin, cela nous laisse entrevoir une belle deuxième journée de visites d’autant plus que la météo locale annonce pour aujourd’hui et les jours prochains le prolongement de l’été indien.
Mais tout voyage comporte son lot de surprises, aujourd’hui les transports en communs de Venise sont en grève jusqu’à 13h ce qui nous oblige à modifier un peu nos plans. Peu importe, un routard s’adapte toujours. Nous ferons une partie du trajet à pieds en attendant le retour à la normale, nous aurons l’occasion de faire la navigation complète sur le grand canal au retour.

Cette balade à travers le quartier est une occasion de se perdre dans les ruelles et d’observer une Venise paisible loin des quartiers touristiques et mondains.Cependant, on ne risque pas de se perdre car un savant fléchage nous permettra toujours de retrouver notre chemin.

Un constat, Venise est une ville propre, contrairement à Naples que nous avions visité par le passé.

Au passage, une ou deux églises dont les styles, au fil de l’histoire, ont subi les influences byzantines, gothiques et plus ou moins baroques. Que d’or !

Eglise San Rocco

Après une pose pique-nique, nous rejoindrons la station de vaporetto, la grève étant terminée, nous pourrons traverser le grand canal et regagner la place San Marco.
Fini le calme, ici la terre entière semble s’être donnée rendez-vous, ainsi que tous les pigeons de la planète …

Une foule interminable se presse à l’entrée de la basilique aux somptueux décors.Mais les Lions nous attendent au palais des Doges.
Curieuse époque que celle ou la délation sévissait en ces lieux sinistres.
Vestiges de ces pratiques peu catholiques lorsque le vénitien en colère dénonçait son voisin en glissant dans la fente de l’animal féroce le fiel de son courroux.

Ces boîtes à lettres, d’un genre particulier, étaient disposées le long du mur du palais des Doges. De l’autre côté du mur, ces courriers étaient récupérés par la police secrète et les instances judiciaires de l’État. Le dénoncé n’avait plus qu’à soupirer en regagnant sa cellule … d’où le pont des soupirs.

Finement travaillé, le pont des soupirs reste l’attraction la plus prisée des touristes.
Ce lieu inspire tant les « soupirants » du monde qu’il est devenu le décor incontournable pour des séances photos des plus surréalistes …Il commence à présent à se faire tard et la cité éternelle dans son écrin doré nous invite à reprendre le chemin de l’hôtel. Demain sera un autre jour, et de nouvelles découvertes nous attendent, les îles de Murano et de Burano sont au programme ….
(à suivre donc ….)
Article précédent : Venise, une ville sur pilotis (2)

Article suivant : Venise, Murano, Burano (4)

Venise, une ville sur pilotis (2)

Cité lacustre par excellence, ici pas de voitures. Les déplacements se font exclusivement à pieds et sur l’eau.
 Venise ne vit que par l’eau et pour l’eau, même si le vin italien reste excellent par ailleurs. Tout transport repose donc sur le bateau, du plus petit comme la barque, le taxi ou le vaporetto pour les transports collectifs ou encore la barge pour les transports de marchandises. Plus surprenant encore, les ambulances et corbillards sont des bateaux ; d’ailleurs le cimetière est une île à part entière. J’aurai aussi occasion de parler de la plus grande des nuisances qui préoccupe Venise : les paquebots.
 

Les bateaux taxis font aussi le bonheur des porteurs de bagages dont les chariots sont astucieusement conçus pour monter les marches des nombreux ponts qui enjambent les canaux.

Généralement réservés à une clientèle huppée, certains bateaux taxis sont de véritables œuvres d’art, des pièces d’ébénisterie à part entière.La Sérénissime est la cité romantique par excellence, que tout amoureux du monde, en voyage de noces, rêve pour destination.Car l’une des images associées à Venise est sans nul doute celle d’une gondole nonchalante glissant sur le grand canal, sur fond de coucher de soleil.

Difficile donc de résister aux sollicitations féminines … le vieux machin, que je suis devenu, risquerait de passer pour un radin. Ni une ni deux, nous voici menés en gondole par un jeune et élégant vénitien à la voix de ténor.
Trente cinq minutes de baratins latins entrecoupés de belcanto à faire pâlir Casanova.
Le marché des balades en gondole est très lucratif, compter 80€ les trente cinq minutes … sans le chant, c’est en supplément. Mais quand on aime on ne compte pas. Ici le métier est parait-il très verrouillé et se pratique de père en fils.
Si la balade semble ravir au plus haut point la gente féminine, en ce qui me concerne je serais plus attiré par l’aspect technique du « navire », formes, ornement et propulsion.

L’élément de décoration principal de la gondole ressemble à un peigne ou chaque dent représente, comme sur le drapeau vénitien, un quartier de la cité : San-Marco, Dorsoduro, Cannaregio, Castello, San Polo et Santa Croce, sur la dent opposée, l’île de la Giudecca.
La forcola, ou dame de nage, dont chaque forme est unique, en fonction de l’usage de la gondole (promenade, compétitions) et de la position du rameur, est avec l’aviron, l’élément clé de la propulsion. C’est aussi une œuvre d’art, généralement réalisée en noyer par un maître ébéniste.
 

 

 

 

 

A chacun donc ses centres d’intérêt. Finalement cette balade m’aura permis, d’avoir quelques points de vues différents sur l’architecture de la cité et en traversant ce labyrinthe de petits canaux, permis de faire quelques photos insolites dans les quartiers de San Polo et de Cannaregio.

 

Notre première journée à Venise se terminera au pied de l’hôtel Sagredo … où, comme vous le constaterez sur la photo suivante, nous serons remis entre de bonnes mains.

Cette photo montre l’œuvre de l’artiste Lorenzo Quinn, intitulée «Soutien».
Elle a été réalisée pour la biennale de Venise 2017 et a été disposée sur la façade de l’hôtel Ca’ Sagredo, situé entre le pont Rialto et le Casino, sur la rive gauche du grand canal. Chaque main pèse 2500kg et mesure 9 mètres de haut. Cette œuvre  est destinée à sensibiliser les esprits sur le réchauffement climatique. Il est vrai que Venise est l’une des ville du monde la plus exposée à la montée du niveau des eaux.

Il est temps à présent de reprendre la route du retour vers l’hôtel et de passer par la case restaurant où paraît-il une pizza nous attend, restons dans les symboles.
Comme introduction à notre voyage on pouvait aujourd’hui difficilement faire beaucoup plus. Partie à 6h du matin de Brest, Loeiza s’endormira ce soir avec ses rêves de gondole, réalisés.

Demain sera un autre jour et la journée promet d’être encore longue, en aventures …
(… à très bientôt pour la suite de nos découvertes)

Article précédent : De la pointe du Raz à Venise (1)
Article suivant :    Venise, ville chargée d’histoire (3)