Impossible de passer à Marrakech sans visiter les jardins de la villa bleue où vécut le peintre Jacques Majorelle dès 1924. Fils du célèbre ébéniste-décorateur Louis Majorelle de l’école de Nancy, à la période Art Nouveau, l’artiste peintre laissera ici son empreinte par la couleur bleu-outremer inspirée de la culture berbère dont le symbole restera associé au lieu.
Ce riad et les jardins, seront rachetés par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en 1980. L’ancienne demeure abritant désormais le Musée Pierre Bergé, consacré aux arts berbères. Quant aux jardins ils restent, en partie, accessibles au public.
Discrètement indiqué dans les guides touristiques des années 2000, ce riad, qui se trouve dans un quartier un peu en retrait des centres touristiques, était à l’époque assez mal signalé.
Le droit d’entrée était raisonnable (4 euros en 2001) et l’on pouvait flâner dans les jardins en totale liberté. Ce havre de paix s’est aujourd’hui bien transformé et la poésie des lieux quelque peu émoussée. Le quartier s’est désormais métamorphosé en lieu branché pour apprenties influenceuses, connectées à Tik Tok et dotées de la dernière génération d’I-phone.
Après une longue file d’attente pour l’achat de billets, le visiteur devra encore beaucoup patienter car l’accès au jardin est régulé par petits groupes. La priorité étant donnée à ceux qui sont munis d’un coupe-file, précieux sésame que l’on pourra cependant se procurer sous réserve de passer par le Musée Yves Saint Laurent situé à quelques dizaines de mètres de l’entrée du jardin. Subtil commerce, car pour un droit d’entrée combiné de 220 dirham (22 euros) le visiteur aura accès au Musée YSL, passage obligé de la tranquillité, puis pourra accéder aux jardins et enfin visiter le Musée Pierre Bergé.
Si ces trois endroits sont incontestablement dignes d’intérêts, la visite des jardins, à la végétation abondante et variée n’a plus la quiétude d’antan. Un petit air de magasin Ikéa plane sur cette visite savamment orchestrée et canalisée par des gardiens aimables qui vous remettent dans le droit chemin, au moindre écart de trajectoire. Difficile donc de revenir sur ses pas où de faire un pas de côté pour prendre une photo originale sans avoir dans le collimateur une naïade en mal de mannequinat posant de longues minutes devant un bassin de nénuphars ou un « coussin de belle-mère ». Les abords de la villa sont encore plus convoités. A n’en pas douter c’est l’objectif des hordes de touristes asiatiques, qui GPS en main, ne prennent pas le temps de s’intéresser à la beauté des plantations du jardin. Le but étant d’atteindre au plus vite « The place to be » où chaque membre de la tribu posera pour l’immortalité devant la porte du Temple du célèbre créateur de mode ou le discret endroit de mémoire des deux célébrités.
Beaucoup de patience donc pour pouvoir photographier paisiblement fontaines et éléments architecturaux sans présence humaine.
Dans cette douceur hivernale à plus de 20°C, prendre son temps, égoïstement, en écoutant et contemplant la nature indifférente aux injonctions humaines, la visite deviendra vite une déambulation poétique, un voyage hors du temps.
Ici les couleurs vives se mélangent aux parfums des plantes, et les chants des oiseaux, entrecoupés par la lointaine litanie du muezzin de la Koutoubia, sont autant d’invitations à la contemplation, à la méditation. Alors carpe diem !
Suite et fin dans le prochain billet …