Eloge de la main

En prenant cette photo, il y a plusieurs années, sur le quai du port d’Audierne, je pressentais déjà qu’un monde de traditions maritimes était en train de disparaître.
Au delà d’immortaliser les gestes disparus des ramendeurs de filets, cette image ramenait à mon esprit les scènes de rues et odeurs de mon enfance et en particulier cette journée d’automne où un vieil oncle Audiernais, me confiant un moule en bois et une navette en os, m’avait appris à réaliser mes premières mailles de filets, en attachant le précieux fil à l’espagnolette de la fenêtre de sa cuisine.

Les années passèrent. Désormais plus de ramendeurs sur les quais, plus de thoniers au port plus de mauritaniens non plus. Ainsi va le monde de la pêche, sans nostalgie cependant, c’est parait-il ce que l’on appelle le processus logique de la modernité.

Il y a quelques mois, j’allais me promener du côté de l’île de Sein, et, surprise, mon chemin devait à nouveau croiser un autre marin occupé lui aussi à œuvrer sur un filet.

Il s’en suit une courte discussion sur mes intentions de capturer l’instant et d’obtenir l’acceptation de « pêcher » une nouvelle image pour le simple plaisir d’immortaliser le geste et le bonheur de pouvoir encore être en mesure de le partager.
Merci à eux d’entretenir cette mémoire.

La Route de l’Amitié (1)

Après un enchaînement de visites du bateau par les touristes et une soirée festive sur les quais du port d’Audierne, l’heure est venue, au petit matin du lundi 4 août 2025, de prendre la mer à bord du Langoustier « Cap Sizun ».
Réplique des langoustiers traditionnels du siècle passé, construit en 1991, il sera pour la flottille l’ambassadeur du port l’Audierne.

Ce bateau associatif organise des sorties en mer et participe activement chaque année aux rendez-vous de fêtes du patrimoine proposées dans le département. Nous pouvons tous devenir adhérents et généreux donateurs afin de contribuer longtemps encore à son entretien et à son rayonnement.

Pour cette treizième édition de la « Route de l’Amitié », une centaine de bateaux de plaisance et quelques vieux gréements vont sillonner les côtes du Finistère et du Morbihan pour un court périple d’une semaine qui mènera les équipages vers Loctudy, les Glénans, l’Ile de Groix, Lorient et Belle-Ile-En mer. Le retour vers le port de départ étant programmé pour le lundi 11 août.

Matinée brumeuse

Notre équipage, au départ d’Audierne, composé d’une dizaine de personnes sera, au cours de la navigation, rejoint par de nouveaux adhérents. Certains ne faisant qu’une partie du voyage. Ce qui sera mon cas puisque je débarquerai à Lorient. Pour ma part, cette première expérience de navigation sur un vieux gréement me permettra de goûter quelques instants les ambiances de vies exiguës des équipages, du temps de la marine à voile. Marin d’eau douce, au passif de terrien, embarquer sur ce bateau emblématique du Cap Sizun, en direction de l’île de Groix, sera un clin d’œil à mes ancêtres, valeureux marins de commerce, de pêche ou de la Royale, autant qu’à quelques descendants qui firent le choix de venir s’y installer. Avant que je ne quitte ce monde, il fallait bien pour venir à leur rencontre que je fasse honneur à mes gènes de marin.

Le temps était plutôt frais en cette matinée d’août, un léger crachin venait même agrémenter le tableau d’un bel été breton. Les premières manœuvres passées pour sortir du port, le moment est venu de hisser voile, foc et trinquette et d’ajuster le cap au mieux des courants marins. Direction la pointe de Penmarc’h.

Au premier plan le Skellig de Douarnenez et le Marche-avec de Concarneau

De la petite armada, désormais en ordre de marche, les équipage peuvent à présent se détendre des premiers efforts physiques occasionnés par les manœuvres successives. Déjà certains, aux montures plus sportives prennent le large et s’éloignent de la côte quand d’autres, à la recherche de vents plus porteurs, affinent leurs gréements à la recherche de trajectoires plus conformes à leurs structures vieillissantes. C’est bien connu, qui veut voyager loin ménage sa monture.

Ce bel espace de navigation laisse aux amateurs de photographies libre cours à leurs rêveries et compositions artistiques. Savoureux moments où tout semble être hors du temps… instants propices à la méditation, pour certains, pour d’autres à l’action. Arrosage du pont, contrôle de la navigation car c’est bien connu du marin : toujours être vigilant. Une main pour sa sauvegarde, l’autre pour celle du bateau.

Pas beaucoup de vent sur ce parcours qui nous mène à Loctudy. Probablement que notre arrivée en pays bigouden sera tardive. Déjà les premiers bateaux de pêche entrent au port, suivis comme il se doit d’une nuée d’oiseaux marins.

Retour de pêche

Tout voyage apporte son lot de surprises, rencontres éphémères qui marquent les esprits, rendez-vous secrets, images furtives, instants suspendus. Ainsi vogue le navire du temps.
(La suite dans un prochain billet)

Tête d’affiche

S’il est des artistes peintres originaux, Alex Robin, sans conteste, en fait partie.
Son humour n’engendre pas la mélancolie et la pertinence de son regard révèle une grande imagination.
Peindre sur des affiches est, avec le golf, un sport dans lequel il excelle également car la récupération de vieilles affiches, comme il dit : “C’est sportif !”
Si vous passez par Audierne (Finistère) une exposition de son travail est actuellement en cours au dessus des halles, dans la salle de “Art Ria”. Elle mérite d’être visitée.

210923-Art Ria (1)

“A boire et à manger “
Ainsi peut-on voir écrit sur le panneau d’accueil, à l’entrée des lieux.
Gestes barrières obligent, après avoir gravi les quelques marches métalliques de l’escalier en colimaçon, exercice sportif et musical qui vous fera penser à l’ascension d’un phare, votre regard s’illuminera à la vue des fresques impressionnantes qui tapissent les murs de la salle d’exposition.
Déjà, dans les années 60, l’homme qui n’était alors que lycéen s’amusait à récupérer dans le métro parisien des fragments d’affiches. Plus tard, fréquentant alors les cours d’art plastique,  Alex fera la rencontre d’un certain Jacques Villeglé (plasticien Quimpérois né en 1926) qui appartenait au courant artistique de la “Nouvelle figuration” mouvement qui contribua dans les années 80 à l’avènement du Pop Art.

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Pas étonnant donc que ces influences, avec son cortège de remises en question de la peinture et de ses codes, auront laissés des traces dans l’imaginaire fécond d’Alex Robin.

Une règle s’impose cependant à cet esprit rebelle, ne jamais récupérer des affiches dont les évènements sont en cours. Attendre que l’évènement soit depuis longtemps écoulé afin de récupérer la matière afin de la détourner. Car ces fragments d’affiches, collés, décollés, rassemblés comme des puzzles, serviront de support à une nouvelle narration, dont seul Alex a le secret. De cette matière récupérée, seront à nouveau régénérés des messages estompés de nos mémoires, des évènements passés.
Des personnalités oubliées reprendront alors les chemins d’une certaine renaissance, comme sur cette fresque réalisée par Alex Robin pour la nouvelle médiathèque de Plouhinec qui porte désormais le nom du célèbre sculpteur René Quillivic (1879-1969), enfant du pays.

Mediatheque Plouhinec (3)

Un bon moment d’échanges avec un artiste disponible et animé d’un grand sens du partage.
A travers ces fragments d’affiches, collées les unes par dessus les autres, à l’image des strates géologiques, c’est à la mémoire de la région et des évènements du passé qu’ Alex Robin redonne une certaine vie. Un artiste du futur doublé d’un passeur de mémoire.
20210728_165604