Tévennec, dernière facétie.

Si le rocher de Tévennec a beaucoup nourri l’imaginaire des romanciers et de certains journalistes avides de sensations fortes, il a aussi probablement marqué de façon durable les esprits plus ordinaires des enfants et petits enfants de gardiens de phares.

Tevennec-1412Tévennec vue de l’île de Sein.

Les contes et légendes, qui berçaient jadis leur enfance, se métamorphoseront au fil des ans, en révélations plus conformes à la réalité de leur “histoire familiale”.
De cet héritage, fait de mots et d’images sublimées souvent, apparaîtra alors une vérité bien différente, plus rugueuse mais combien plus belle, car si intime.
La réalité du passé familial se trouve alors confrontée à des histoires romancées, des vérités revisitées par des mémoires imprécises. Un travail s’impose alors pour mieux transmettre le précieux héritage aux générations suivantes.
J’avais publié dans un précédant article, intitulé “Tévennec,dernière relève,la délivrance”, l’histoire de cet aïeul, gardien de phare, emporté par une lame sur le rocher de Tévennec, dans cette mythique baie des Trépassés, en terre bretonne.
J’étais alors resté sans réponse concernant le lieu d’inhumation du corps, nourrissant les hypothèses les plus improbables puisqu’en 1908, le cimetière se trouvait à l’emplacement de l’actuelle mairie de l’île de Sein, lieu à partir duquel je puisais ces  précieux renseignements.
Après quelques mois d’investigations, des recherches dans diverses archives, je devais compléter mon enquête et apprendre que le corps, dans un premier temps repêché, puis ramené sur le “caillou de Sein”, avait été, dès le lendemain, acheminé à Audierne où de bien étranges et rocambolesques obsèques furent organisées le jour de la Toussaint, c’est à dire le 1er Novembre 1908.

Un peu d’histoire, la crise sardinière des années 1900.
Le contexte historique de l’époque aidera peut être le lecteur à comprendre ce qui suit.
Nous sommes en 1908. La crise sardinière qui sévit depuis 1903 à Audierne, Douarnenez et plus généralement dans la majeure partie des ports de pêches du Finistère, plonge la population dans une profonde misère.
A la famine qui sévit, le prix du pain qui flambe, les faillites de commerces, le chômage, s’ajoute un climat social des plus tendus du fait de la loi qui se profile autour de la question religieuse. En effet, l’année 1905 sera marquée par l’adoption de la loi relative à la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
De nombreux affrontements entre partisans et adversaires accentueront les clivages sociaux sur fond de misère et de pressions cléricales.
L’irrationnel est à son paroxysme. Certains membres du clergé allant vilipender des pêcheurs peu enclin à fréquenter l’église en leur expliquant que leurs comportements seraient seuls responsables de l’abandon des bancs de sardines sur nos côtes.
Pas étonnant que le message passe mal chez ces pauvres pêcheurs et que certains voient rouge. L’aïeul Alain Marie devait être de ceux-la.
Alors viennent les temps des blasphèmes pour les uns et des réactions partisanes pour les autres qui voient dans la noyade du marin incroyant le fatal résultat d’un châtiment divin.

Rétablir une vérité.
L’article du Progrès du Finistère, en date du 7 novembre 1908 m’apporte un éclairage nouveau sur ce dramatique fait divers.

Article-Progres-Nov1908Par ailleurs, comme si le malheur n’était pas suffisant, quelques écrits et récits fantaisistes raconteront plus tard qu’à la noyade de ce Ropart (que l’on doit écrire avec un T et non un S ou un Z), s’ajouta le décès de la petite fille qui venait de naître sur l’île au moment du drame.
En réalité, la petite fille née à l’île de Sein, vécut encore 85 ans. On est donc loin de la légende.
Quant à cet ancêtre, au caractère bien  trempé, c’était aussi un « Artiste », aux dires de la famille.
A n’en pas douter à la lecture de cet article. Pour un anticlérical, finir ainsi sa vie, un jour de Fêtes des Morts et se voir contraint de passer par l’Eglise, tient de la farce théâtrale, quelle belle sortie de scène !

Ceux qui envisagent d’investir Tévennec pour le transformer en
« Résidence d’artistes » ont à présent matière à méditer.

 Tevennec-1412a

A bientôt pour de nouvelles aventures …

Précédents épisodes
Tévennec, Enfer ou « New paradise ? »
Tévennec, la dernière relève, la délivrance
De Tévennec à l’ïle Wrac’h, il n’y a qu’un pas …
Sein, une île du bout du monde
Bienvenue à Sein

 

 

 

Bienvenue à Sein

Ile-Sein-Nov2013

Novembre 2013, Ile de Sein aux paisibles couleurs d’automne …

Pour toi Emilie,
Bienvenue à toi, petit bout de chou,
Bienvenue à toi, sur ce beau caillou.
Certain le pense hostile, à la vie d’un enfant,
Mais quel beau cadeau, que d’être né Sénan.
Quand tu seras plus grande et regarderas Armen
Pense un peu à l’inconnu et à ce phare que j’aime.
Il te protègera des affres de la vie et de ses tourments,
Eclairant ta route comme jadis, celle de tes parents.
Rassurée tu seras par le ballet des dauphins
Recherchant près du Sphinx, la sérénité
Loin des grandes villes et des regards indiscrets
Car il n’y a pas sur terre de plus bel asile,
Qu’un petit bout de Sein, pour hospitalité.

Ile-Sein-Sphinx

L’imperturbable Sphinx veille sur la sérénité ancestrale des Sénans

Autre billet sur cette « Ile du Bout du Monde » (cliquer ici)

Pourquoi ce billet ?

Questionné outre-atlantique, sur le sens de ce dernier billet intitulé «Bienvenue à l’Ile de Sein », je vais tenter de traduire pour mes amis américains l’esprit de ce petit texte dont je ne souhaite garder que l’aspect poétique en restant éloigné de toute polémique.

L’Ile de Sein, pour ceux qui ne la connaissent pas, est une petite île du bout du monde située à quelques kilomètres des côtes bretonnes, à l’extrême ouest de la France. Plus loin il y a le rocher Ar Men et son phare mythique au milieu de l’océan. Plus loin, c’est l’Amérique. Autant dire que cette petite bande de terre, qui ressemble à un atoll polynésien par sa grande platitude, est un lieu où l’air est pur, l’océan parfois sauvage certes, mais toujours familier pour ses quelques habitants. Bref un petit coin de France, où il fait bon vivre et où l’on ne connaît pas ces niveaux de pollutions que la sagesse ilienne laisse aux grandes métropoles.

Pourtant il y a quelques semaines, un jugement des affaires familiales, quelque part dans une grande ville du sud de la France, décide que cette île, « totalement isolée et perdue en plein océan atlantique », serait incompatible avec l’éducation et la vie normale pour des enfants. Par voie de conséquence, une mère se verrait retirer la garde de ses enfants. Mais c’est mal connaître le tempérament rebelle de l’ilienne. Aujourd’hui, une naissance sur l’île vient apporter la preuve que la vie sur le caillou dépasse la logique des hommes de loi qui vivent sur le continent. La dernière naissance à l’Ile de Sein remonterait à 1978. Emilie est bien née sur l’île et pourra même y rester car la petite école vient potentiellement de voir ses effectifs s’accroître de 30 % , encore une logique administrative décidément bien contrariée.

Welcome to Sein Island

Recently questionned about this last post titled « Welcome to the Island of Sein , » I ‘ll try to translate for my American friends the meaning of this little text for which I want to keep the poetic spirit remaining away from any controversy. “Ile de Sein”, for those who do not know , is a small island just a few kilometers from the Britanny coasts in the far west of France . More distant is the rock Ar Men, its mytical lighthouse in the ocean. Farther are the american coasts.
It’s common to say that this little strip of land ( people here call it “the stone”) looks like a Polynesian atoll. With its high flatness it’s a place where the air is pure, the ocean sometimes wild indeed, is still familiar to its few inhabitants. In short, a little corner of France , where it’s pleasant to live and where we do not have the levels of pollution familiar to the large cities. However, a few weeks ago , a justice decision (Family Affairs), from a Law Court, somewhere  in the south of France, decided that this island , « totally isolated in the Atlantic Ocean , » is incompatible with education and normal life for children … » and this judgment deprives a mother custody of her children.
Today , a birth on the island proves that life on earth exceeds the logic of men. A last birth at “Ile de Sein” dates back to 1978. Emilie is born on the island and may even stay because the small school’s effectif is now increasing by 30 %, a new human logic collapse.

Emilie for you,
Welcome to you, sweet little thing,
Welcome to you on this beautiful pebble
Some think hostile to the life of a child,
But it’s a gift than to be born Senan.
When you grow up and look at Armen
Think about it to me cause I love this lighthouse.
It will protect you from the horrors of life and its torments,
Illuminating your path, as formerly that of your parents.
You will be reassured by the ballet of dolphins
Looking near the Sphinx the serenity,
You will be convinced that on this hostile planet
There is not on earth a more beautiful asylum
A little bit of Sein, for hospitality.