Cà, c’est du Pinard !

Dans l’un de mes précédents billets j’avais évoqué le Médecin Laënnec et son invention révolutionnaire : le stéthoscope.
Intrigué par son histoire, je m’étais amusé à réaliser au tour à bois une reproduction conforme de l’instrument, en m’appliquant à le faire avec le même respect des processus de fabrication en vigueur à l’époque.

Ce petit exercice de style m’avait conduit à m’intéresser de près aux techniques d’auscultations médicales. Je découvrais donc que l’invention, au fil du temps, avait ouvert la voie à l’imaginaire de médecins spécialistes en tout genre et que très vite ceux-ci se sont ingéniés à adapter l’instrument d’investigation médicale à leurs spécialités.
Si aujourd’hui ces instruments ont été relégués aux cabinets de curiosités, remplacés par des techniques sophistiquées appelées Doppler, échographes et j’en passe, le plus beau des instruments et le plus poétique reste pour moi celui qui permet d’être à l’écoute des premiers battements de cœur de la vie, celui de l’embryon devenant fœtus qui, dès l’âge de quelques dix-huit semaines, se fait entendre dans le ventre de la mère.

Ainsi, appliquant les lois de l’acoustique et s’appuyant sur la découverte du Dr Laënnec, le Docteur Adolphe  Pinard, obstétricien et homme politique français (1844-1934) imagina son instrument d’écoute obstétrical qui désormais portera son nom.

Pour preuve que cet instrument est relégué aux oubliettes, j’ai voulu m’en procurer un exemplaire comme modèle. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque m’adressant au jeune pharmacien de mon quartier je lui demandai : “Je voudrais un stéthoscope de Pinard, s’il vous plait.
Visiblement ne connaissant pas la “chose”, le jeune apothicaire me regarda en souriant et l’air incrédule me répondit en me montrant du doigt l’estaminet voisin :
Désolé, mais pour le Beaujolais nouveau il faut s’adresser en face !
Un comble lorsque l’on sait que le doux breuvage est incompatible avec l’attente
d’un bébé !

Pour ceux que cela intéresse, quelques données techniques de réalisation du modèle que je viens de réaliser en eucalyptus, c’est parait-il bon pour la respiration..

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Dans les pas du Dr Laënnec (2)

Il ne s’agit pas, avec cette série d’articles, de faire un travail exhaustif sur la vie et les travaux scientifiques du médecin. Pour mémoire, rappelons que le Dr Laënnec était né à Quimper en 1781 et qu’il repose dans le petit cimetière de Ploaré près de Douarnenez, où il avait sa propriété.

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C’est précisément à Douarnenez que, très jeune, s’acheva sa vie en 1826. Il avait 45 ans.

Cette dernière date et ce lieu sont importants à retenir pour comprendre ce qui suit.

Pratiquant le tournage sur bois depuis quelques décennies, je décidais, après de multiples recherches documentaires sur le premier instrument réalisé en 1818, d’en fabriquer un exemplaire à l’identique, dans les conditions techniques proches de celles qu’avait pu connaître son inventeur.
Très vite, en voyant le premier modèle, dont les schémas étaient disponibles dans les publications médicales de Laënnec sur l’auscultation, (voir article précédent), je me suis interrogé sur la véracité de la réalisation du premier instrument par Laënnec lui-même. Non pas que je doutais des capacités d’un médecin à faire du tournage sur bois, ce serait de ma part bien irrévérencieux, mais ma longue pratique sur la chose me rendait perplexe.
En effet, dans la publication qu’il fera en 1819, en présentant son premier stéthoscope, le schéma faisait état d’un modèle à tenon vissé.
Il faut avoir un peu de pratique manuelle sur le tournage pour se rendre compte combien, pour un homme qui n’est pas du métier, il était difficile, à l’époque, de faire un filetage au tour à bois sans être doté d’un matériel extrêmement performant. Ceci ne retirant en rien à l’inventeur les mérites de l’invention, il était logique que je m’interroge sur la question. D’autant plus que, quelques années plus tard, en 1826 devait être présenté un second exemplaire, plus simple à réaliser, car muni d’un tenon lisse, donc non fileté.
Ce modèle n’ayant pas de caractéristiques de performances supplémentaires, je me questionnais : « Pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliqué ? »

J’émettais alors l’hypothèse que le médecin, dont on ne peut contester qu’il soit à l’origine de l’invention, avait dû se faire aider par un homme de l’art pour réaliser son premier instrument. Toujours par hypothèse, j’imaginais que c’était du côté de Douarnenez qu’il fallait chercher à résoudre la question… Vous suivez toujours ?

(La suite au prochain épisode)

Dans les pas du Dr Laënnec (1)

S’il est des médecins qui ont marqué par leur nom ou leurs inventions les progrès de la médecine, peu de personnes connaissent l’originalité de l’invention du docteur Laënnec. En dehors du nom porté par l’instrument dans sa forme et ses caractéristiques actuelles, le stéthoscope est devenu, au fil du temps, l’emblème incontesté du corps médical, détrônant l’antique caducée en le ramenant aux temps immémoriaux de ses origines.

Partout dans le monde, médecins et infirmiers l’utilisent, il est même devenu, pour le mécanicien, un instrument de diagnostic très efficace dans la détection des bruits suspects. C’est aussi grâce aux propriétés acoustiques et mécaniques, appliquées à l’auscultation, que Laënnec eut l’idée de génie d’imaginer cet instrument. Prenant une simple feuille de papier, qu’il enroula pour en faire un tube, il s’aperçut que les bruits diffusés par ce dernier étaient amplifiés, canalisés en quelque sorte dans cette colonne artificielle disposée entre la poitrine du patient et l’oreille du praticien.

Schémas du stéthoscope de Laënnec (modèle 1819 et 1826)

C’est par le biais de la mécanique et celle de mon implication technique dans le domaine médical, que je me suis intéressé à cette invention. Peut-être aussi parce que je partage avec cet inventeur quelques points communs, une Bretagne natale, le petit port de Douarnenez dans le Finistère, l’attrait pour la bricole et le tournage du bois en particulier, mais aussi et plus sérieusement …une certaine curiosité.

Mais ce que je devais découvrir allait être encore plus passionnant.
Le tournage, comme l’auscultation, étant affaire de patience, je vous livrerai bientôt le résultat des mes investigations  ….

(… la suite dans un prochain article)